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DIAL 2613

CUBA - La dissidence modérée recherche une transition négociée vers la démocratie

Dalia Acosta

samedi 1er février 2003, mis en ligne par Dial

Alors que l’on parle régulièrement de la disparition de Fidel Castro, ne serait-ce qu’en raison de son âge, les attentes de la population s’accompagnent d’un grand nombre de contradictions. Selon des enquêtes, la majeure partie des personnes interrogées estiment qu’il « faut que cela change » mais sans perdre les conquêtes sociales du régime actuel. Quelle voie trouver entre l’immobilisme et l’ultra-libéralisme ? Article de Dalia Acosta, Agence IPS, décembre 2002.


La Havane. Ils sont nombreux à Cuba ceux qui souhaitent une option de développement social propre à leur pays, loin des modèles dominants dans le reste de l’Amérique latine mais aussi du socialisme « réel » qui fut dans le passé un point de référence pour l’île.

Le moins difficile dans une dynamique de changement est de rompre avec tout. Mais ce serait une facilité a expliqué le sociologue cubain Aurelio Alonso lors d’un entretien publié par Enfoques, bulletin édité par les correspondants d’IPS à La Havane (...)

Les paris sur la chute du système socialiste à Cuba, toujours liés à un éloignement du pouvoir du président Fidel Castro, se sont multipliés depuis une dizaine d’années, après la chute symbolique du Mur de Berlin et la désintégration de 1’Union soviétique. « Il ne passera pas 1’année, c’est sûr » entendait-on dire à propos de Castro dans les cercles les plus divers, à 1’intérieur de l’île et à 1’extérieur. Les années ont passé, mais le président est resté.

Pendant ce temps, la population de plus de 11,2 millions d’habitants a vécu une crise économique sans précédent et a observé comment les différences sociales s’accentuaient, au détriment de « l’égalité de tous les citoyens », proclamée pendant des décennies.

Mais il ne s’est pas produit l’étranglement que beaucoup dans le monde croyaient inévitable, étant donné la disparition des membres de 1’ancien bloc socialiste et le durcissement des sanctions économiques des États-Unis contre le pays.

Ces pronostics furent remplacés par celui d’une « issue biologique », thèse de ceux qui prétendent que l’île attend seulement la mort de Castro pour faire le « grand saut », de 1’actuel régime socialiste vers un capitalisme semblable à celui qui règne dans des pays voisins.

De toute manière, les attentes de changement s’accompagnent d’un grand nombre de contradictions, liées aux caractéristiques spécifiques de la réalité cubaine, lesquelles, selon des observateurs, sont très difficiles à comprendre du dehors. Dans des enquêtes réalisées par des consultants indépendants, la majeure partie des interviewés ont estimé « qu’il faut que cela change », mais il y a eu aussi une majorité de gens pour exprimer leur désir que ne se perdent pas les conquêtes du régime actuel dans le domaine social.

Ceux qui « désirent des changements vraiment radicaux dans le système sociopolitique et économique en vigueur à Cuba ne préconisent pas nécessairement 1’instauration d’une économie de marché ultra-libérale », a expliqué le prêtre catholique Carlos Manuel de Céspedes. « De même qu’une petite minorité soutient 1’immobilisme, de même une minorité, elle aussi petite, soutiendrait un type de régime qui se situerait aux antipodes du régime actuel », a-t-il déclaré.

N’importe quelle analyse doit prendre en compte que 1’île « est un pays ni typiquement latino-américain », ni « typiquement caraïbe », dit le prêtre dans un article publié ce mois-ci dans la revue catholique Palabra Nueva.

Par ailleurs, le socialisme cubain ne coïncide pas exactement avec celui qui a existé en Europe ou celui qui est en vigueur en Corée du Nord, Chine ou Vietnam, a souligné Céspedes.

Castro « peut être catalogué comme un président à la poigne dure », mais ne doit pas être « assimilé hâtivement aux célèbres dictateurs militaires latino-américains », ni aux ex-dirigeants communistes d’Europe orientale, a-t-il assuré.

Le leadership de Castro « émergea d’une authentique révolution populaire », et « s’il est ce qu’il est encore à Cuba », cela est dû en grande partie à « la volonté de la majorité du peuple », y compris de beaucoup de ceux qui souhaitent de profonds changements, a-t-il ajouté.

Des leaders de 1’opposition au gouvernement, comme Elizardo Sánchez, ont affirmé qu’il serait préférable, quel que soit le processus de changement à Cuba, de le réaliser avec le leadership de 1’actuel président.

Des secteurs de ce qui est appelé la « dissidence modérée », qui agissent dans 1’illégalité, se sont déclarés, à plusieurs reprises, prêts à contribuer à une « transition négociée vers la démocratie », avec la participation de 1’actuel gouvernement. Mais il est évident qu’une telle alliance ne pourra se réaliser tant que le gouvernement de Castro maintiendra sa thèse selon laquelle les groupes d’opposants n’existent dans l’île que grâce à 1’appui moral et financier qu’ils reçoivent du gouvernement des États-Unis.

Si Cuba désire « refaire ou retrouver le modèle socialiste, il est indispensable de définir de nouveaux espaces d’initiative économique, sociale et politique, privée et collective, et de les exploiter au maximum », a déclaré Alonso. Le socialisme d’Europe orientale « n’a pas explosé parce que, de l’extérieur quelqu’un l’a asphyxié », mais « il a implosé », a-t-il affirmé.

Les dirigeants de ces régimes essayèrent « de rivaliser avec 1’Occident en utilisant les propres modèles occidentaux d’efficacité, et dans le domaine économique les modèles d’efficacité capitaliste ont un avantage indiscutable : ils suivent les règles de la logique du profit et peu importe qui se noie », a noté le sociologue. « Et voilà l’élément éthique qui nous différencie : pour nous, au contraire, cela importe. Alors les normes ne peuvent être les mêmes », a-t-il conclu.


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2613.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : IPS, décembre 2002.

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