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AMÉRIQUE LATINE - Le vote adolescent fait son chemin

Marcela Valente

vendredi 2 novembre 2012, mis en ligne par Dial

L’article précédent présentait un projet de loi déposé en août au parlement uruguayen en vue de la légalisation de la marijuana ; celui-ci propose un rapide tour d’horizon latino-américain des réformes en cours visant à un abaissement de l’âge du vote de 18 à 16 ans, ainsi que des débats qui les entourent. Ce texte de Marcela Valente a bénéficé des apports de Marianela Jarroud (Santiago), Fabiana Frayssinet (Río de Janeiro) et Darío Montero (Montevideo), il a été publié par IPS en septembre 2012.


Un projet pour abaisser de 18 à 16 ans l’âge minimum pour voter fait son chemin d’un pas décidé vers son adoption au parlement argentin, une avancée déjà en vigueur à Cuba, au Brésil, en Équateur et au Nicaragua, et qui commence timidement à être débattue en Bolivie, au Chili et en Uruguay.

« Le jeune a une pensée critique et autonome qui est ignorée par ceux qui disent que nous n’avons pas de conscience. Ceux qui croient cela sont ceux qui n’ont rien à nous offrir », a soutenu Nicolás Cernadas, 17 ans, vice-président du centre des étudiants de l’école secondaire Normal 1, de Buenos Aires, et militant du Parti ouvrier de gauche.

Lors d’un entretien avec IPS, il a déclaré que non seulement il est favorable à l’abaissement de l’âge de vote mais qu’il réclame même plus de droits.

« Un adolescent est aussi influençable que quelqu’un de quarante ans, et cela ne change pas beaucoup non plus d’attendre 18 ans. Je ne suis pas stupide jusqu’à mon prochain anniversaire et je n’obtiens pas toute la conscience parce que j’arrive à 18 ans », objecte-t-il.

Le Front pour la victoire, actuellement au pouvoir, correspondant aux secteurs de centre gauche du Parti justicialiste (péroniste), avec majorité absolue au parlement, a présenté un projet pour instaurer le vote non obligatoire pour les Argentins de 16 à 18 ans et pour les étrangers avec au moins deux ans de résidence légale dans le pays.

L’objectif, indique-t-on, est de construire une « plus grande citoyenneté » pour la jeunesse et les immigrants. Cela signifie « approfondir un processus de participation politique » et répond à « une demande toujours plus grande de participation » des jeunes.

Les partis d’opposition apparaissent divisés, mais même ceux qui y sont favorables critiquent les circonstances ou demandent que le vote soit obligatoire comme il l’est pour les plus de 18 ans.

Le débat est installé et il y aura une série d’audiences publiques avec des experts en éducation, des psychologues et des dirigeants étudiants, parmi d’autres secteurs, qui exposeront les différentes positions face à la proposition, qui devrait être adoptée sans obstacles majeurs vu l’unité d’action du parti au pouvoir.

« Il n’est pas mauvais d’élargir les droits, mais si l’âge adulte débute à 18 ans, il devrait y avoir une cohérence avec cela », a déclaré à IPS sur un ton critique l’experte Julia Pomares, du Centre non gouvernemental de mise en œuvre de politiques publiques pour l’équité et la croissance.

Pomares considère qu’il y a « d’autres priorités », tant sur le plan électoral qu’au niveau des politiques juvéniles.

De toutes façons, elle critique les opposants qui rejettent le projet avec l’argument que les adolescents sont désinformés, ou que cela peut bénéficier au parti au pouvoir.

« Il y a des gens de 50 ans qui ne sont pas informés. Ce dont il s’agit, c’est d’avoir de l’autonomie », souligne-t-elle. Le présumé bénéfice électoral pour le parti de la présidente Cristina Fernández ne peut pas non plus « interdire la discussion ».

Personne ne remet en question aujourd’hui que le vote féminin, adopté en 1947, était un droit inéluctable réclamé depuis les années 30 ni ne remarque que cela a favorisé la réélection présidentielle de Juan Domingo Perón, dont l’épouse, Eva Duarte (Evita), avait réussi, forte de son leadership, à ce que les femmes soient comparées aux hommes dans les urnes.

Les avancées en Amérique

Le vote à partir de 16 ans est obligatoire à Cuba et au Nicaragua et est facultatif jusqu’à 18 ans en Équateur et au Brésil, où il a commencé à être appliqué aux élections présidentielles de 1989.

Le politologue Jairo Nicolau, de l’Université fédérale de Río de Janeiro, a déclaré à IPS qu’à cette époque « le climat était à la liberté et à la concession de droits », par conséquent « il n’y eut pas de grands débats » ni d’opposants notoires. De même, le fait qu’il soit facultatif « a facilité son adoption », remarque-t-il.

La participation adolescente dans les urnes a été très forte durant la première année d’entrée en vigueur de la loi, mais ensuite, elle a commencé à diminuer. Ainsi, le pourcentage de votants de cette tranche d’âge a été en 2006 sept pour cent plus élevé qu’en 2010, selon le Tribunal supérieur électoral.

Le Chili aussi se propose prendre le même chemin. Le sénateur Alejandro Navarro, du Mouvement social élargi (MAS), a informé IPS que dans le projet de réforme constitutionnelle qu’est en train d’étudier la Chambre des députés on abaisse l’âge de vote.

Les mobilisations massives d’étudiants qui ont occupé les rues chiliennes durant les dernières années, avec dans le rôle principal des élèves du secondaire, a installé dans la société l’idée que les jeunes ont des droits et qu’ils doivent être exercés par le vote à partir de 16 ans, explique-t-il.

Néanmoins, Navarro a écarté le fait que les partis de la coalition de centre droit qui soutiennent le gouvernement de Sebastián Piñera appuient une initiative de ce type, puisque ils cherchent plutôt à limiter l’exercice de ces droits.

Cependant, « je crois qu’au Chili les conditions sont réunies pour abaisser l’âge du vote ; en témoigne la loi sur les assemblées de résidents, qui a habilité ce droit et démontré que oui, les jeunes s’impliquent quand ils en ont la possibilité », indique-t-il. Il fait ainsi référence à la loi, dont il est l’instigateur, qui a octroyé il y a trois ans le droit de vote dans cette instance municipale à partir de 14 ans.

La discussion a alors dévié sur le fait d’imposer la responsabilité pénale aux adolescents. « Il me semble que tout comme ils ont des devoirs, ils ont aussi des droits », souligne-t-il.

Une controverse similaire est en cours en Uruguay, où l’opposition a lié le projet de droits électoraux dès 16 ans à la proposition de réforme constitutionnelle pour appliquer le Code pénal des adultes à partir de ce même âge.

La responsabilité pénale en Uruguay prend effet à partir de 14 ans, mais jusqu’à 18 ans s’exerce la justice des mineurs, avec des obligations et des droits ajustés aux accords internationaux.

L’initiative pour changer cette loi, présentée par le sénateur de droite Pedro Bordaberry, du Parti colorado, a réuni les signatures requises pour faire l’objet d’un référendum lors des élections de 2014. Elle bénéficie du soutien du Parti national, de centre droit, alors que le Front large (gauche), actuellement au pouvoir s’y oppose.

Durant ce débat, le député nationaliste José Cardoso s’est montré confiant sur le fait que puisse avancer son projet pour élargir le vote obligatoire à partir de 16 ans, présenté en juin 2011 précisément comme condition pour appuyer la réduction de l’âge de l’imputabilité pénale.

« La vision doit être complète et équilibrer constitutionnellement les obligations avec les droits » a déclaré le parlementaire à IPS. « De la reconnaissance qu’à 16 ans on est apte pour prendre une décision découlent deux aspects : le punitif et celui des droits », argumente-t-il.

« La conséquence de la première est l’imputabilité, et la conséquence de la seconde est le vote », ajouta-t-il.

« La participation des mineurs à des faits délictueux a favorisé des débats enflammés et, dans ce cadre, ont gagné du terrain des positions en faveur de la réduction de l’âge de l’imputabilité étant entendu que, dans le contexte des sociétés actuelles, la condition de minorité est abandonnée à des âges plus précoces », a soutenu Cardoso.

Avec cette prémisse, le parlementaire insistera ce mois-ci [septembre 2012] sur son projet de vote dès 16 ans, acceptant même que ce sont deux thèmes indépendants.

La sénatrice de gauche Lucía Topolansky, épouse du président José Mujica, s’est exprimée en faveur d’un abaissement de l’âge de vote aux élections générales, mais elle a insisté sur le fait que c’est un sujet séparé du débat sur l’imputabilité. Cependant, toute la gauche n’a pas encore pris position.


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3214.
 Traduction de Stéphanie Tribondeau pour Dial.
 Source (espagnol) : IPS, septembre 2012.

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