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DIAL 2436
HAÏTI - Le triomphe électoral douteux de Jean-Bertrand Aristide
Sally Burch
lundi 1er janvier 2001, mis en ligne par
Jean-Bertrand Aristide a été élu pour la seconde fois - avec une interruption de cinq ans entre les deux mandats - président de Haïti. Cette élection fait suite à une longue période de conflits proprement politiques, dont le dernier en date a été constitué par les élections sénatoriales dont les résultats ont été calculés, selon les opposants de Jean-Bertrand Aristide, de telle façon qu’ils soient favorables à ce dernier. L’actuel président n’arrive pas au pouvoir avec l’aura qui fut la sienne la première fois puisqu’il est soupçonné d’avoir préparé sa réélection grâce à des pratiques peu orthodoxes.
Haïti reste le pays le plus pauvre du continent : le nouveau président pourra-t-il contribuer à remédier à une telle situation ? Texte de Sally Burch, paru dans América Latina en Movimiento/ALAI, le 5 décembre 2000, accompagné d’un extrait de Haïti en marche, 22-28 novembre 2000.
C’est sans surprise qu’a été faite l’annonce officielle que l’ex-président Jean-Bertrand Aristide a gagné les élections présidentielles du 26 novembre à Haïti avec 91 % des votes. Son parti Fanmi Lavalas a également gagné les 9 sièges pour le renouvellement partiel du sénat.
Néanmoins, le processus électoral est contesté par l’opposition et il risque de ne pas être reconnu par la communauté internationale. Sept candidats ont participé à la bataille présidentielle, mais la majorité des partis d’opposition, regroupés dans la Convergence démocratique (CD), a retiré sa participation après qu’une solution au différend concernant les élections législatives du 21 mai passé se soit trouvée dans l’impasse.
La situation continue d’être tendue. La Convergence démocratique a annoncé son intention de proposer une formule de gouvernement provisoire qui assumerait le pouvoir le 7 février prochain à la place d’Aristide. De plus, on se livre une guerre des chiffres à propos du niveau de participation de l’électorat qui fut supérieur à 60 % selon les données officielles alors que le principal parti d’opposition, l’Organisation du peuple en lutte (OPL), parle de moins de 5 %.
De son côté, Aristide - qui fut président entre 1991 et 1996, avec une parenthèse de 3 années à cause de la dictature - a rompu un quasi-silence médiatique de plusieurs années en donnant une conférence de presse au cours de laquelle il a fait
part de son intention d’entretenir
un dialogue avec tous les secteurs, par-delà les différences politiques, sociales et idéologiques, dans le but de pacifier le pays.
De nombreux partis qui soutinrent l’élection d’Aristide en 1990 en considérant l’ancien prêtre comme l’alternative populaire aux dictatures des macoutes, lui ont retiré leur appui ces dernières années, en l’accusant de corruption.
Un conflit politique
Les élections parlementaires réalisées en mai furent contestées tant par les partis d’opposition que par la mission d’observation de l’Organisation des États américains (OEA), en raison de la façon de calculer les votes qui avait permis que Fanmi Lavalas (FL) - parti actuel de gouvernement, créé par Aristide il y a 4 ans - soit le grand vainqueur du premier tour. L’opposition a considéré que la méthode a été inventée en violation de la loi électorale, pour permettre à Fanmi Lavalas de contrôler le Parlement. La Convergence démocratique s’est formée en raison de cette situation avec la participation de forces politiques allant de la sociale démocratie jusqu’à l’extrême droite, en incluant le principal parti d’opposition, l’OPL, pour entreprendre des négociations
avec le gouvernement, qui se réalisèrent avec la médiation de l’Organisation des États américains. Néanmoins, après 5 mois, les négociations échouèrent en octobre et les partis de la Convergence démocratique se retirèrent du processus électoral de novembre.
La communauté internationale insista pour que les factions en conflit parviennent à un accord avant la réalisation de nouvelles élections, ce qui ne s’est pas réalisé. Elle retira donc son appui.
Un autre facteur qui a contribué à la confusion récente fut la vague de violence qui s’est déversée sur le pays au début de novembre et qui a causé plusieurs morts. Dans la capitale, des témoins ont fait savoir qu’il y avait des véhicules sans plaque d’immatriculation à partir desquels on tirait à l’arme à feu sur les passants. Fanmi Lavalas et l’opposition se sont mutuellement accusés de la responsabilité de ces faits.
De leur côté, les organisations populaires haïtiennes sont divisées sur le processus électoral. Certains proches d’Aristide ont appuyé le processus, considérant qu’il contribuerait à la construction d’une démocratie participative. D’autres ne sont pas d’accord avec la situation politique et la conduite du gouvernement. Parmi eux, le Mouvement des paysans de Papaye, à l’est du pays, qui a mobilisé quelque 8 000 personnes il y a deux mois - la première mobilisation de cette envergure contre le gouvernement actuel - pour signifier son refus du processus électoral de mai et pour dénoncer la situation socio-économique.
– Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 2436.
– Traduction Dial.
– Source (espagnol) : América Latina en Movimiento/ALAI, novembre 2000.
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