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DIAL 3373 - Cahiers de la Mémoire et de la Vérité, volume IV
Prix Nobel de la paix : L’implication de la dictature militaire brésilienne contre la nomination de Dom Helder Camara. Considérations finales, références bibliographiques et annexes
Commission d’État de la Mémoire et de la Vérité Dom Helder Camara, Secrétariat du Cabinet civil, Gouvernement de l’État de Pernambouc
lundi 9 mai 2016, mis en ligne par
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Considérations finales
Le secret pour rester jeune quand les années passent en laissant leurs marques sur le corps, c’est d’avoir une cause à laquelle se dédier dans la vie.
Helder Camara.
La CEMVDHC a accompli sa mission principale qui consistait à « éclairer les faits afin de faire droit à la mémoire et à la vérité historique et promouvoir la consolidation de l’état de droit démocratique » : elle rend publics un fait et les circonstances d’une grave violation des droits humains – les manœuvres pour faire obstacle à l’attribution du prix Nobel de la paix au seul Brésilien proposé trois fois au titre d’honneur, Dom Helder Camara. Les documents divulgués par la CEMVDHC dans ce rapport, prouvent l’action délibérée et systématique de la dictature militaire qui, par le truchement du ministère des affaires étrangères représenté principalement par son diplomate en Norvège, l’ambassadeur Jaime de Souza Gomes, a mené durant trois années consécutives, de 1970 à 1972 une campagne de persécution et de diffamation contre Dom Helder Camara, avec la ferme résolution de l’empêcher de recevoir le prix Nobel de la paix.
En 1972, à la clôture des inscriptions des candidatures pour le Prix, l’ambassadeur d’alors, Souza Gomes, faisait ressortir dans un courrier spécial de l’ambassade à Oslo, à propos de la candidature de l’archevêque brésilien :
En 1971, a surtout été mise en avant la menace qu’une éventuelle victoire de la candidature de l’archevêque d’Olinda et Recife faisait planer sur les capitaux norvégiens investis au Brésil avec le risque de leur expropriation, nationalisation, voire étatisation du fait de l’augmentation de son prestige dans les classes populaires brésiliennes, de son ambition politique et de son audience dans l’aile progressiste de l’Église catholique du Brésil. [1]
Cependant, la campagne de diffamation menée pendant les deux années 1970 et 1971 avait atteint son apogée et perdait de ses forces. L’ambassadeur disait ne plus pouvoir compter, pour de prochaines actions, sur :
[…] des personnalités intégrantes ou intimement liées à des membres de la Commission Nobel qui, se fiant à la description (sic) de cette ambassade, ont beaucoup aidé à la collecte d’informations secrètes et à la diffusion d’arguments destructeurs de la personnalité du prélat brésilien et se sont montrés toujours plus réticents et craintifs devant toute action qui les impliqueraient à nouveau dans des tentatives de pressions pour ou contre des candidats au Prix de la paix [2].
Planifiés en coulisse, en sourdine, « les arguments de base utilisés pour la mise en question de la personnalité de l’archevêque brésilien » puis largement diffusés dans la presse étrangère se sont retournés en « critiques virulentes contre le gouvernement brésilien et en éloges au candidat vaincu du Prix de la paix », Dom Helder Camara. Des « arguments de base » qui ne pourraient « être répétés “ad infinito” » comme l’affirme l’ambassadeur auteur du document. Il s’agit pourtant de rapports ambigus et sans substance documentée mais bien d’opinions d’opposants facilement contredites par les journaux étrangers de l’époque.
En 1972, l’adversaire alors occulte met fin à la campagne sordide et provocante contre Dom Helder de manière pusillanime, témoignant de la crainte d’être découvert dans des manœuvres, au moins bizarres, en faveur du régime militaire :
Dans ces conditions, ayant pour objectif principal d’éviter le soupçon de toute interférence du gouvernement brésilien et de sa représentation diplomatique dans ce pays en ce qui concerne une si délicate affaire, je crois que le rôle de cette ambassade devra être limité cette année au suivi attentif du déroulement des événements en rapport avec le choix du prix Nobel de la paix de 1972, avec l’espoir que ses efforts des années 1970 et 1971 seront encore capables de mettre fin à la campagne obstinée des adeptes de Dom Helder Camara, ou du moins de la minorer, dans ce pays et à l’étranger, et qui ne se laisseront pas abattre tant que l’archevêque d’Olinda et Recife n’aura pas la gloire d’être, à la fin, un lauréat du prix Nobel de la paix.
Jayme de Souza Gomes, ambassadeur. [3]
Le texte présenté expose la synthèse des actions stratégiquement mises en œuvre par des personnes liées aux organes du régime militaire contre une personne qui osait penser autrement. Elles sont méthodiquement articulées, avec des objectifs bien définis, formulés de manière si explicite et cynique dans des documents officiels brésiliens qui font offense à l’honneur et à la dignité du pays. La CEMVDHC a compétence pour donner « la plus large publicité […] aux faits et aux thèmes spécifiques » [4]. C’est le cas des dénonciations rassemblées dans ce rapport publié ici dans un Cahier spécial.
Dom Helder Camara, reconnu internationalement, estimé ou rejeté, aimé ou critiqué pour les valeurs vécues en diverses circonstances dans son projet de société plus juste, ou pour le modèle qu’il représente d’une Église moins conservatrice, est devenu une personnalité emblématique d’une époque ; une époque d’intolérance, d’emprisonnements, de tortures qui le préoccupent beaucoup en tant qu’homme et en tant que pasteur de l’Église de la métropole – Olinda et Recife – du nord-est du Brésil. Ses actes symbolisaient la lutte pour la liberté, pour la paix et pour le droit de la personne humaine à la dignité.
L’œuvre, le courage dans les jours difficiles et les enseignements de Dom Helder Camara demeurent comme une lumière qui indique le chemin sûr pour la construction d’une société plus juste et fraternelle. On peut clore ce rapport sur ses paroles : « Au-delà, bien au-delà des égoïsmes individuels, des égoïsmes de classes, des égoïsmes nationaux, il faut embrasser, sourire, travailler ».
Manoel Severino Moraes de Almeida
Rapporteur pour les Violations des droits humains dans les milieux religieux
Adja Maria Miranda Brayner
Rapportrice adjointe pour les Violations des droits humains dans les milieux religieux
Henrique Neves Mariano
Rapporteur adjoint pour les Violations des droits humains dans les milieux religieux
Ce rapport a été approuvé à l’unanimité par les membres de la CEMVDHC le 25 septembre 2015 lors d’une session ordinaire présidée par le Coordinateur général Fernando Vasconcellos Coelho.
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Références bibliographiques
Nous revendiquons ensemble le droit et le devoir de défendre la créature humaine, la personne humaine, le bien commun. Si c’est cela la politique, ce n’est pas une politique partisane, c’est la défense de l’homme, notre frère ; c’est la défense de la justice sans laquelle la paix n’est qu’un mot creux.
Helder Camara.
CAMARA, Helder. Utopias peregrinas. Recife : Editora Universitária da UFPE, 1993.
CAMARA, Helder. Le Journal d’un évêque prophétique. Paris : Bayard Éditions, 2016.
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PERNAMBUCO. Comissão Estadual da Memória e Verdade. Padre Antônio Henrique Pereira da Silva Neto. « Cadernos da memória e verdade », vol. 2. Recife : Secretaria da Casa Civil do Governo do Estado de Pernambuco / Companhia Editora de Pernambuco, 2014.
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Annexes
Les gens te pèsent ? Ne les charrie pas sur les épaules, prends-les dans ton cœur.
Helder Camara.
Les annexes sont disponibles dans leur version originale (portugais du Brésil) dans le fichier pdf ci-joint (27 Mb) :
– Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3373.
– Traduction de Gérard Panthier, avec la collaboration de José de Broucker.
– Source (portugais du Brésil) : PERNAMBUCO. Comissão Estadual da Memória e Verdade. Prêmio Nobel da Paz : A Atuação da ditadura militar brasileira contra a indicação de Dom Helder Câmara. « Cadernos da memória e verdade », vol. 4. Recife : Secretaria da Casa Civil do Governo do Estado de Pernambuco / Companhia Editora de Pernambuco, 2015, 234 p.
En cas de reproduction, mentionner au moins les auteurs, le traducteur, la source française (Dial - www.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.
[1] ANNEXE XXXIV. Correspondance spéciale de l’ambassade à Oslo, n° 122, datée du 28/02/1972. Prix Nobel de la paix 1972. Clôture des inscriptions. Situation des candidats.
[2] Ibid.
[3] Idem.
[4] Règlement intérieur de la Commission d’État de la Mémoire et la Vérité Dom Helder Camara. Chapitre I, Constituição e Finalidade, article 4, item X. PERNAMBUCO. Commissão Estadual da Memória e Verdade. Cadernos da memória e verdade, vol. 1, op. cit.