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DIAL 3532 - Communiqué de presse de la Commission pastorale de la terre

BRÉSIL - 2019 : Les campagnes brésiliennes en ébullition

Secrétariat national de la Commission pastorale de la terre, service de communication

samedi 30 mai 2020, mis en ligne par Dial

La Commission pastorale de la terre (CPT) publie chaque année un rapport très détaillé et documenté sur les conflits dans le monde rural survenus pendant l’année qui vient de s’écouler. La publication de l’édition 2019, que nous joignons en fin de texte, a été accompagnée de communiqués de presse dans différentes langues, dont le français. C’est ce communiqué de presse en français, diffusé le 16 avril 2020, que nous reprenons ici.


2019 entrera dans l’histoire comme une année de grandes tragédies.

Dès le mois de janvier, le barrage de Córrego do Feijão, propriété de la Vale (société minière), s’est rompu, à Brumadinho (MG) : 272 personnes furent enterrées vivantes sous une avalanche de boue. Villages anéantis, champs et bétail détruits, et l’eau totalement contaminée.

En milieu d’année, les feux détruisent les forêts. Le monde entier se dresse contre la destruction de l’Amazonie, essentielle pour l’équilibre de la planète. Et ici des fermiers organisent sciemment la « journée du feu ».

Vers la fin de l’année, du pétrole envahit le littoral de presque tous les États du Nord-Est, affectant grandement la vie des pêcheurs fluviaux et artisanaux.

Un discours devenu routine

Le discours du président de la République contre les quilombolas, les peuples autochtones, les communautés traditionnelles peut très bien expliquer la progression de la violence dans les campagnes entre 2018 et 2019 :
 + 14% pour le nombre des assassinats – de 28 à 32 ;
 + 7% pour les tentatives d’assassinat – de 28 à 30 ;
 + 22% pour les menaces de mort – de 165 à 201.

Le nombre de conflits bat tous les records

La CPT, en 2019, a enregistré dans les campagnes 1833 conflits. Ce chiffre est en augmentation de 23% par rapport à 2018 et constitue le plus élevé de la série enregistrée depuis 5 ans. Cela équivaut à une moyenne de 5 conflits par jour. Sur les 1254 conflits fonciers enregistrés, 1206 concernent une forme de violence provoquée par de prétendus propriétaires ou/et accapareurs de terres.

Il s’agit du nombre de conflits fonciers le plus élevé enregistré par la CPT depuis 1985. Les expulsions ont explosé dans le Sud (+450%), le Centre-Ouest (+114%) et le Nord (+55%).

Les femmes présentes dans la lutte

La violence a touché 102 femmes. Sur ce total, 3 ont été assassinées, 47 ont été menacées de mort, 3 ont subi une tentative d’assassinat, 5 ont été arrêtées, 15 ont été soumises à intimidations.

Amazonie : la violence monte en flèche

Comme par le passé, l’Amazonie dans sa définition légale est, dans les campagnes brésiliennes, l’endroit où se concentrent la plupart des conflits et des violences. Mais en 2019, la situation est plus grave encore.

Par rapport à 2018, on a une croissance de :
 17% pour le nombre de conflits de terres ;
 36% pour le nombre de familles impliquées dans ces conflits ;
 82% pour le nombre de familles expulsées ;
 56% pour la quantité de biens détruits ;
 72% pour le nombre de champs détruits ;
 29% pour le nombre de familles menacées par arme à feu ;
 55% pour celui des familles qui ont souffert une forme d’invasion de leur maison ou de leur propriété.

Le nombre de familles expulsées et de maisons détruites a toutefois diminué.

L’Amazonie a concentré en 2019 :
 84% des assassinats (27, du total de 32) ;
 73% des tentatives d’assassinat (22 sur 30) ;
 79% des personnes menacées de mort (158 personnes sur un total de 201).
 60% des conflits fonciers ;
 71% des familles impliquées dans des conflits ;
 57% des familles expulsées ;
 84% des familles qui ont subi une invasion de leur terre ou de leur maison.

Un beau texte d’Eliane Brum, publié dans Conflitos no campo Brasil 2019 [Conflits dans le monde rural, Brésil 2019] [1], nous aide à comprendre la logique de toute cette violence en Amazonie et les conséquences dramatiques sur la vie des gens.

Les mesures prises par les gouvernements successifs suivant un discours de régularisation foncière de l’Amazonie constituent une « légalisation du crime et une récompense pour les criminels ; les accapareurs de terres n’auront bientôt plus besoin de corrompre aucun fonctionnaire public. Le crime est devenu la règle légale. Suivant la voie tracée par les milices de Rio, l’accaparement des terres en Amazonie n’est plus le fait d’une puissance parallèle, avec ses ramifications au sein de l’État : il est devenu l’État lui-même… En résumé : vous volez des biens du patrimoine public, vous détruisez la forêt amazonienne et, un an plus tard, vous en devenez le propriétaire, totalement légalisé, et vous jouissez pour le reste de votre vie du statut de “bon citoyen” », écrit l’autrice.

Dans le scénario actuel, les peuples autochtones sont l’ennemi

Conflitos no campo Brasil 2019 publie, pour la première fois, un texte écrit par une femme indigène, Sônia Guajajara [2]. S. Guajajara appartient au peuple des Indiens guajajara, du Maranhão. Elle fait partie de la coordination exécutive de l’Articulation des peuples indiens du Brésil – APIB.

Dans son texte, elle relate les attaques dirigées contre les droits des peuples indiens durant cette première année du gouvernement Bolsonaro. Selon elle, « depuis l’investiture de Jair Bolsonaro à la présidence de la République, en janvier 2019, nous subissons une grave et intense offensive contre les droits des peuples indiens du Brésil ».

Les données publiées par la CPT confirment cela, lorsqu’ils montrent l’implication de peuples indiens dans 244 cas de conflits fonciers, soit 20% du total ; 9 Indiens ont été assassinés, dont 7 dirigeants. Il s’agit du plus grand nombre de dirigeants indiens assassinés au cours des 11 dernières années.

9 ont subi des tentatives d’assassinat ; 39 ont reçu des menaces de mort ; 11 ont été agressés ; 10 blessés ; et 16, objets d’intimidation, d’une manière ou d’une autre.

Une sur trois des familles en conflit pour des terres est indienne : 49 750 familles indiennes, sur un total de 144 742 familles, soit 34%.

Il s’agit de la catégorie comportant le plus grand nombre de familles impliquées dans la lutte pour la terre.

320 familles indiennes ont été expulsées par des « propriétaires » de terres, soit 31% du nombre total de familles expulsées ; en outre, 930 ont été expulsées par la justice, soit 9%.

26 621 ont subi une forme d’invasion de leurs terres ou de leurs maisons, soit 67% du total de 39 697.

Manifestations : avec une augmentation de 142%, 2019 est l’année présentant le chiffre le plus élevé jamais enregistré par la CPT

Une donnée qui attire spécialement l’attention dans les registres de la CPT pour 2019 concerne les manifestations. 1 301 événements de ce type ont été enregistrés, avec une participation d’environ 243 712 personnes, soit une moyenne de 3,5 manifestations par jour. Cela représente une augmentation de 142% par rapport à 2018, qui avait enregistré 538 manifestations. C’est également le nombre le plus élevé jamais enregistré par la CPT au cours des 34 éditions de ce rapport sur les conflits dans le monde rural.

La région qui a enregistré le plus grand nombre de manifestations est le Nord-Est (516), soit à peu près 40% du nombre total de manifestations organisées dans le pays en 2019, selon les données de la CPT. Le Sud-Est et le Sud viennent ensuite avec respectivement 251 et 223 manifestations. En ce qui concerne le nombre de participants, le Nord-Est est également la région où se sont mobilisées le plus grand nombre de personnes (106 451), suivie cette fois par la région Sud (52 950).

Les données montrant que le Nord-Est est la région avec le plus grand nombre de manifestations et de personnes impliquées sont cohérentes avec le mouvement observé lors des élections présidentielles de 2018. La région s’était opposée au projet de l’actuel président de la République : il avait perdu les élections dans tous les États du Nord-Est.

Tous les États de la fédération ont connu des manifestations. L’État de Bahia (162) a concentré le plus grand nombre de manifestations dans l’année, suivi par les États de Minas Gerais (131), Rio Grande do Sul (104), Paraná (91) et Maranhão (84).

Conflits pour l’eau, en 2019 : une révélation de la destruction de la vie

L’eau est l’une des principales sources de conflit dans le monde rural. En 2019, le nombre de conflits liés à l’eau a grimpé en flèche – 489 conflits, impliquant 69 793 familles, soit 77% de conflits en plus par rapport à 2018. Ici aussi, il s’agit du plus grand nombre de conflits liés à l’eau jamais enregistré par la CPT.

De 2002 à 2014, la moyenne annuelle observée avait été de 65 conflits et 27 500 familles. De 2015 à 2019, la moyenne a atteint 254 conflits et environ 53 000 familles. Cette progression correspond à la période de préparation du coup d’État contre la présidente Dilma Rousseff, puis à son exécution, avec l’arrivée de Michel Temer à la présidence. De 2017 à 2018, les conflits sont passés de 197 à 276. Ils ont atteint leur apogée dès la première année du gouvernement de Jair Bolsonaro, 489 ! Les conflits liés à l’eau sont causés par l’exploitation minière, par des entreprises de divers secteurs, par des centrales hydroélectriques et par l’action ou l’inaction des gouvernements fédéral, régionaux et municipaux. Sur les 489 conflits enregistrés en 2019 : 189 ont eu pour cause l’exploitation minière (39% du total) ; 177, des entreprises (36%) ; 54, des centrales hydroélectriques (11%) et 33 l’action ou l’inaction des gouvernements (7%).

Dans les conflits dus à l’exploitation minière, il y a eu 40 cas de violence : agressions (6) ; contamination au mercure (7) ; menaces de mort (4) ; dommages (5) ; humiliation (3) ; intimidation (2) ; décès à la suite d’un conflit (8) ; omission ou connivence (5).

Trois États, Minas Gerais, Bahia et Sergipe, représentent ensemble 61% du total des conflits (298) : Minas Gerais (128) ; Bahia (101) et Sergipe (69). Parmi les personnes impliquées dans des conflits liés à l’eau : 41% sont des pêcheurs (199 cas) ; 22% sont des habitants du bord des cours d’eau (106 cas) ; 9% sont des petits propriétaires (43 cas) ; 6% sont des quilombolas (31 cas).

Pour plus d’informations, voir www.cptnacional.org.br ; Facebook : @CPTNacional ; twitter : @cptnacional.


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3532.
 Source (français) : Commission pastorale de la terre, 16 avril 2020. Version française ponctuellement modifiée par DIAL.

En cas de reproduction, mentionner au moins les auteurs, la source originale (CPT - https://www.cptnacional.org.br) et l’une des adresses internet de l’article.

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[1Le fichier pdf du rapport est disponible en fin d’article. Le texte d’Eliane Brum commence à la page 105 – note DIAL.

[2Voir p. 182-189 – note DIAL.

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