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Le véhicule de l’ex-président de la Bolivie a été impacté par 18 tirs

BOLIVIE - Evo Morales survit à une tentative d’assassinat

Mateo Nemec

mardi 5 novembre 2024, mis en ligne par Françoise Couëdel

28 octobre 2024 - Le leader du MAS a dénoncé une tentative d’assassinat contre lui le matin du dimanche par de supposés « agents de l’État ». Le président Arce a demandé l’ouverture d’une enquête.

Après la tentative d’assassinat ce dimanche contre l’ex président bolivien, Evo Morales, le président actuel, Luis Arce, a donné l’ordre d’ouvrir une enquête sur les faits, concernant des « inconnus » qui ont ouvert le feu contre les véhicules dans lesquels se déplaçaient le leader du MAS et ses partisans. Il y a eu 18 tirs et le conducteur du véhicule dans lequel se trouvait Morales a été blessé. L’entourage de l’ex gouvernant a accusé des agents de l’État et demandé à la Commission interaméricaine des Droits humains d’intervenir dans l’enquête.

Selon ses déclarations Morales se dirigeait de Villa Tunari vers la localité de Lauca Ñ, dans l’état de Cochabamba, pour participer à son programme dominical sur la chaîne Kawsachun Coca (RKC) quand il a été attaqué par un groupe d’individus masqués montés sur des camionnettes Tundra, semblables à celles qu’utilise la police locale.

Bien que le chauffeur de Morales soit parvenu à changer de trajet, les camionnettes ont continué à les poursuivre, jusqu’à les intercepter et ont effectué 4 tirs contre le véhicule qui ont crevé un des pneus, ce qui les a obligés à changer de véhicule.

Après l’arrêt du véhicule l’ex président est monté dans une seconde voiture qui a été impactée par 14 projectiles, avant que ne cesse la poursuite, et a blessé le chauffeur à la nuque et aux bras. Les agresseurs sont parvenus à s’échapper mais l’évènement a été enregistré par une vidéo filmée par une femme qui voyageait dans la voiture avec Morales.

« Baissez-vous prési, baissez-vous prési », disaient à Morales les deux occupants du véhicule tandis que le leader du Mouvement pour le socialisme (MAS) parlait au téléphone pour tenter d’alerter sur ce qui se passait. La vidéo montre trois impacts de balle sur le pare-brise du véhicule tandis que le chauffeur saigne blessé à la nuque.

Morales, qui a pu finalement joindre son interlocuteur sur RKC [1] a expliqué que les faits se sont produits aux environs de 6h25 heure locale et ont été une tentative d’assassinat de sa personne « J’ai été très surpris. Heureusement j’ai eu la vie sauve […]. C’était planifié, c’était destiné à tuer Evo », a affirmé Morales au micro.

L’ex-président a expliqué que son véhicule se trouvait à hauteur de la caserne militaire de la Neuvième division, Villa Tunari, quand ils ont été bloqués par deux camionnettes. « Au début j’ai pensé que c’était un ivrogne qui voulait nous bloquer mais j’ai ensuite trouvé que c’était bizarre », a-t-il dit à la radio.

Pour le leader aymara cette poursuite acharnée malgré les changements de directions, révèle la préméditation, qu’il a reliée aux menaces contre lui qu’il dénonce depuis des années. « Depuis 2022 ou 2023 nous les dénonçons. Le général Zúñiga, dans des réunions, disait : « Il faut descendre Evo, Dans le vocabulaire militaire, descendre c’est tuer », a-t-il dit, en soulignant que l’opération avait pour objectif d’attenter à sa vie.

Après l’attentat les véhicules ont été laissés dans la caserne de la Neuvième division de l’Armée, où ils ont été identifiés par un groupe de partisans d’Evo. Selon ce que le MAS a affirmé dans un communiqué, « des témoins des faits » ont vu comment « les véhicules qui transportaient les individus qui ont perpétré l’attentat « sont rentrés dans la caserne et « sont montés ensuite dans un hélicoptère qui les attendait sur la piste d’atterrissage ».

Une vidéo fournie par la RKC montre l’arrivée d’une foule d’habitants du Tropique de Cochabamba devant l’entrée de la caserne militaire d’où on peut voir les camionnettes.

Face à cette arrivée un groupe de militaires a tiré en l’air une salve en guise d’avertissement mais les manifestants ont persisté et réussi à obtenir deux camionnettes, une blanche et une rouge sans aucun matricule et dont on soupçonne qu’ils soient les protagonistes de l’attentat.

Dans une autre vidéo on peut voir un des militaires discuter avec les manifestants admettant que des membres de la police sont entrés dans la caserne dans ces véhicules et qu’ils ont été évacués ensuite par hélicoptère.

Changement du haut commandement militaire

L’attentat a eu lieu un jour après qu’Arce ait changé le haut commandement militaire du pays, paralysé par des blocages de routes pour protester contre les conditions de vie et l’interdiction de la candidature de Morales.

Le bureau de la défense du peuple bolivien a émis un communiqué dans lequel il a critiqué « la gestion du gouvernement de cette situation de conflit », car « les manifestations sont l’expression de demandes des citoyens auxquelles n’ont pas été données de réponses acceptables ».

Le représentant de la défense des droits humains a dit aussi à l’exécutif que « l’intervention des forces armées ne devrait pas être une option pour résoudre cette crise » et a exhorté les manifestants à établir des « points de passages solidaires » pour garantir la libre circulation.

Le samedi, la chancellerie bolivienne a déclaré devant la communauté internationale que les manifestations dirigées par Morales « prétendent briser l’ordre démocratique » et peu après Arce a changé le haut commandement militaire et leur a donné l’ordre de protéger l’ordre public et la démocratie.

Manfred Reyes Villa, le maire de la ville de Cochabamba, a prié le gouvernement national d’intervenir sur les manifestations de masse le 21 octobre dernier, suggérant d’appliquer l’état de siège dans la province.

La version officielle

L’actuel président de la Bolivie, Luis Arce Catacora, a demandé d’enquêter sur l’attaque qu’il a qualifiée d’« attentat présumé » à la vie de Morales, précisant qu’est ouverte « une investigation immédiate et minutieuse pour élucider les faits », par un message sur son compte du réseau social X.

Certains dirigeants proches de l’entourage du gouvernement d’Arce ont émis l’hypothèse qu’il pourrait s’agir d’un « auto-attentat ». Le vice ministre de la sécurité citoyenne, Roberto Ríos, a donné une conférence de presse après l’attentat dans laquelle il a précisé qu’il n’existe aucun ordre de détention contre Morales ce qui l’a mené à écarter le fait que des agents de l’ordre aient mené une opération pour l’arrêter.

« J’estime que le peuple bolivien a déjà son avis sur un cas possible d’auto-attentat, néanmoins, en tant qu’autorités nous sommes dans l’obligation d’enquêter sur quelque accusation que ce soit, que ce soit une vérité ou un mensonge », a déclaré Ríos ce dimanche.

Pour Rolando Cuéllar, un député du MAS proche d’Arce, il s’agit d’un « auto attentat mal planifié » que Morales utilise pour se « victimiser et chercher un soutien dans la population et auprès des organismes internationaux.

Une « issue antidémocratique »

Après ces évènements, Morales a désigné le gouvernement d’Arce comme responsable et déclaré « aujourd’hui a été exécuté » le projet d’essayer de me tuer après l’échec des tentatives de me détruire politiquement et de me traduire devant la justice.

L’ex-président a déposé une plainte auprès de la Commission interaméricaine des droits humains (CIDH) dans laquelle il a déclaré « que les agents d’élite de l’État bolivien » ont attenté à sa vie, par des « opérations conjointes pour réprimer les manifestations » qui le soutiennent, selon ce qu’il a déclaré dans un post sur X.

La direction nationale du MAS, à son tour, a émis un communiqué par lequel il déclare responsables de ce qui est arrivé le président et les ministres du Gouvernement, Eduardo Castillo et de la Défense, Edmundo Novillo.

Sous le coup de l’émotion, l’ex-ministre sous la Présidence de Morales, Juan Ramón Quintana, en a appelé aux mouvements sociaux pour qu’ils protègent l’ex-président, après avoir affirmé que « la Bolivie n’est plus un pays sûr pour lui » face à ce qu’il a qualifié d’offensive du gouvernement.

Dans une conversation avec Pagina/12, Gabriela Montaño, qui a été la ministre de la santé de Morales, a estimé que qualifier les faits d’auto attentat est d’une « irresponsabilité totale », tout en indiquant que la présence des véhicules instigateurs de l’attentat dans la caserne militaire est « un élément capital qui indique la participation des institutions de l’État », face aux versions que fait circuler la majorité.

Par ailleurs, l’ex-présidente de la chambre des députés a déploré que la justice bolivienne « n’offre pas les garanties nécessaires pour une investigation impartiale de ce qui s’est produit », ce qui exige l’intervention d’organismes internationaux qui en garantissent la transparence.

Pour Montaño ce qui s’est passé doit être interprété dans un contexte général, après les changements du commandement militaire il y a moins d’une semaine, ainsi que ceux du haut commandement militaire à la veille de l’attentat et les demandes de sites de la part des autorités liées au Gouvernement qui mettent en évidence une position opposée à celle de la résolution démocratique du conflit.

« Pour une période plus longue toutes les options de résolution des conflits par la voie démocratique sont fermées », déclare Montaño, soulignant la tentative de proscrire le MAS lors des primaires, la répercussion sur la population et la pauvreté institutionnelle qui pèse sur le pays, et qui incitent à une « issue antidémocratique » du conflit.

Wilfredo Chávez Serrano, ex-ministre du gouvernement d’Evo et membre de l’équipe de représentation légale du MAS, a approuvé l’importance d’en appeler à la communauté internationale pour répondre à la thèse de l’auto-attentat qu’il a considérée comme « un marathon de désinformation » de la part du gouvernement, selon ses déclarations à ce journal.

Pour cet avocat, qui a aussi exercé comme procureur général sous le gouvernement d’Arce, l’attentat, s’il est avéré, serait une preuve claire de terrorisme d’État, étant donné l’usage de l’appareil d’État pour ce qu’il a qualifié d’une « tentative de magnicide ».

« Actuellement la situation suit son cours et nous sommes en attente des déclarations du procureur général », a fait savoir Chávez, qui est de l’avis de qualifier les changements opérationnels au sein des forces armées de « préméditation certaine » surtout si on considère l’intensification du conflit concernant les blocages lors des modifications du haut commandement militaire et policier.

Après ces évènements, Carlos Romero, ex-ministre du gouvernement de Morales, a convoqué le juge Suprême, Roger Mariaca, récemment nommé, qui à ce jour ne s’est pas prononcé, au début des investigations du fait que, selon lui, il s’est agi d’une tentative d’attentat « en toute impunité » par des « agents de la sécurité de l’État »


Traduction française de Françoise Couëdel.

Source (espagnol) : https://www.pagina12.com.ar/778062-evo-morales-sobrevive-a-un-intento-de-magnicidio.

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[1Radio Kawsachun Coca, également connue sous le nom de RKC et sous le nom de chaîne anglaise Kawsachun News, est un réseau bolivien d’informations en ligne et radio. Il a été fondé le 7 novembre 2007 par les syndicats de travailleurs et de paysans – NdlT.

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