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GUATEMALA - Sciences sociales et vérité historique
Factor Méndez Doninelli
lundi 2 mars 2020, mis en ligne par
Vendredi 21 février 2020.
Quelle importance ont les sciences sociales pour connaître la vérité historique dans des contextes sociaux qui ont connu l’expérience des conflits armés ? Au titre de chercheur, j’ai été invité par l’École d’histoire de l’Université de San Carlos de Guatemala (USAC) pour participer en tant que conférencier à la VIIIe Journée d’histoire récente intitulée « Sciences sociales et vérité historique ». Ce colloque académique s’est tenu durant trois jours (10-14 février) dans l’auditorium « Aura Marina Vides », de la Cité universitaire, dans la zone 12 de la ville de Guatemala.
Lors de la seconde journée du 11 février, j’ai participé à la table ronde intitulée « Apports méthodologiques de l’anthropologie dans la reconstruction de la mémoire historique » et abordé le thème de « L’anthropologie médico-légale et la recherche de la vérité dans le contexte de la guerre au Guatemala ». J’ai échangé, en tour de table, des points de vue et des réflexions avec Rafael Herrarte du Centre d’analyse légiste et sciences appliquées (CAFCA) et avec la professeure Liesl Cohn, anthropologue sociale. Pour ces activités, le docteur Carlos Figueroa Ibarra était le coordinateur de la Journée d’histoire récente et des tables rondes. Selon D. Stewart, l’anthropologie médico-légale se définit comme « la branche de l’anthropologie physique qui, pour établir un constat médico-légal, procède à l’identification des restes humains ou d’appartenance humaine probable, réduits plus ou moins à l’état de squelette ».
Dans le cas du Guatemala les requêtes concernant les disparus dépassent le chiffre de 45 000 et l’utilisation de cette science appliquée à l’identification de restes humains pour connaître l’identité de la victime est récente. Les précurseurs ont été l’anthropologue états-unien Clyde Snow et l’Équipe argentine d’anthropologie médico-légale (EAAF) qui sont arrivés dans le pays en 1992 pour accompagner les organisations des familles qui étaient à la recherche de leurs disparus. Après un travail remarquable dans le but de découvrir la vérité historique ils ont transmis leurs savoir-faire et leurs connaissances à des anthropologues guatémaltèques. En ce sens, les apports de Snow et de l’EAAF ont été fondamentaux pour appliquer au Guatemala l’usage de l’anthropologie médico-légale aux recherches et à la quête de la vérité dans le contexte de la guerre.
De cette expérience transmise par les précurseurs, est née l’équipe de la Fondation d’anthropologie médico-légale du Guatemala (FAFG) qui, après le départ de Snow et de l’Équipe argentine de l’anthropologie médico-légale (EAAF), s’est chargée de la tâche de diriger les fouilles et les exhumations de nombreux cimetières clandestins. Depuis 1971, ont été découverts et exhumés des centaines d’ossements de victimes des politiques répressives de l’armée guatémaltèque, et nombre d’entre elles ont été identifiées. Leurs familles ont ainsi pu faire leur deuil.
Les expertises des légistes sur les ossements humains et leur environnement ont contribué à révéler la vérité historique car ce processus d’identification qui comprend le sexe, l’âge, l’origine ethnique, les mensurations, la masse corporelle, les caractéristiques individuelles, les causes et les circonstances de la mort, équivaut à reconstruire la biographie biologique ante mortem et la cause de la mort. Ces expertises ont servi de preuves dans des cas judiciaires contre des auteurs matériels et intellectuels de disparitions forcées ou involontaires.
Les apports des sciences sociales, en particulier de l’anthropologie médico-légale, à la découverte de la vérité historique, la recherche de la justice, la mémoire historique et la défense des droits humains sont indéniables.
Traduction française : Françoise Couëdel.
Source (espagnol) : https://www.alainet.org/es/articulo/204875.