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DIAL 3568

AMÉRIQUE LATINE - Que se passe-t-il dans la région après la légalisation de l’avortement en Argentine ?

Cuba debate

jeudi 11 mars 2021, mis en ligne par Dial

En Argentine, la légalisation de l’avortement, réclamée par la Campagne pour le droit à l’avortement depuis 15 ans, bloquée en 2018 par le Sénat après avoir été approuvée par la Chambre des députés a été approuvée fin 2020. L’avortement est désormais autorisé jusqu’à la quatorzième semaine de gestation. C’était une promesse de campagne du président Alberto Fernández (centre-gauche). Le projet de loi a été approuvé par la Chambre des députés le 11 décembre et par le Sénat au petit matin du 30 décembre, par 38 voix en faveur, 29 contre, et une abstention. Ce texte, publié sur le site Cuba debate le 4 janvier 2021 s’intéresse à la situation dans les autres pays de la région après cette décision célébrée par les mouvements féministes bien au-delà des frontières argentines.


La légalisation de l’interruption volontaire de grossesse en Argentine a renforcé les campagnes des collectifs de femmes qui luttent pour obtenir ce droit en Amérique latine, une région dans laquelle, selon l’Organisation mondiale de la Santé, chaque année se pratique une moyenne de sept millions d’avortements, dont 95% sont non sécurisés, étant donné qu’il s’agit d’une pratique réalisée dans la clandestinité.

Depuis que, mercredi 30 décembre 2020, le Sénat argentin a approuvé la légalisation, les félicitations d’organisations féministes de tout le continent se sont multipliées sur les réseaux sociaux avec des messages qui anticipent le renforcement des revendications, marches et de tous les types d’activisme pour que dans chaque pays s’impose l’exemple argentin.

« Nous les latines, avançons toutes ensemble ». « Les Argentines l’ont, à notre tour maintenant ». « En 2021, c’est notre tour ». « Cette Loi va s’imposer dans toute l’Amérique latine » et « la vague verte parcourt toute l’Amérique latine » – tels ont été quelques-uns des leitmotifs les plus répétés ces derniers jours.

En Amérique latine, l’avortement est légal sans restrictions seulement en Argentine, à Cuba, en Guyane, Guyane française, à Porto Rico et en Uruguay. Au Mexique il est légalisé uniquement dans la Ville de Mexico et dans l’État d’Oaxaca.

Dans le reste des pays de la région, il est soit totalement interdit et puni, soit permis seulement si la grossesse est le produit d’un viol ou s’il met en péril la santé ou la vie de la mère, entre autres motifs.

Le récent triomphe de la lutte pour le droit à l’avortement en Argentine encourage les féminismes qui se réfèrent au précédent du mariage pour tous (entre personnes du même sexe) : l’Argentine a été le premier pays à l’adopter en 2010 et cela a ensuite provoqué un effet cascade qui s’est répété au Brésil, au Chili, en Colombie, en Équateur, en Guyane française et en Uruguay.

Pour cette raison, désormais on l’appelle désormais « la vague verte », en référence à la couleur des foulards qui symbolisent le soutien à l’avortement légal. Le problème est que, en Argentine, a été crucial le soutien du président Alberto Fernandez à un droit que beaucoup des chefs d’État d’Amérique latine rejettent ouvertement.

Réactions

Iván Duque (Colombie), Sebastián Piñera (Chili) et Mario Abdo Benítez (Paraguay) sont quelques-uns des présidents qui, durant leurs campagnes électorales et leurs gouvernements ont réitéré en diverses occasions qu’ils sont « en faveur de la vie », le lieu commun avec lequel on a l’habitude de rejeter le droit à l’interruption volontaire de grossesse.

Dans le cas de l’Uruguay, où l’avortement est légal, le président Luis Alberto Lacalle Pou a promis au début de son gouvernement qu’il mettrait en marche une stratégie de « désencouragement » des avortements.

« Sans vouloir porter préjudice à la philosophie de chacun, des choix électoraux et des positions partisanes, nous tous comprenons que l’Uruguay doit offrir une forte protection des enfants à naître, qu’il faut avoir une politique de désencouragement des avortements, que l’Uruguay dans sa Constitution et en accord avec les accords ratifiés entend qu’il y a vie à partir de la conception et, en ce sens, un enfant qui n’est pas encore né a des droits », a-t-il déclaré alors que ce débat s’est conclu par la légalisation approuvée en 2012.

Après l’approbation en Argentine, le Brésilien Jair Bolsonaro, qui est l’un des dirigeants à la position la plus radicale sur ce thème comme sur beaucoup d’autres, n’a même pas eu à être consulté par la presse : de sa propre initiative il a publié un tweet pour critiquer la décision du Sénat du pays voisin.

Au Paraguay, le député Raúl Latorre a demandé, et obtenu, que la Chambre des députés observe une minute de silence pour exprimer son rejet de ce qui s’est passé en Argentine.

« Je demande une minute de silence pour les milliers de vies de petits frères argentins qui vont être perdues, avant même de naître, à cause de la récente décision prise par le Sénat du pays voisin », a-t-il expliqué.

López Obrador propose de consulter le pays

Le président mexicain, Andrés Manuel López Obrador, a lui été questionné de manière directe sur le vote positif du Sénat en Argentine, mais il a opté pour une réponse qui laisse le gouvernement en dehors de toute initiative : il a proposé aux féministes mexicaines de lancer elles-mêmes une consultation pour connaître l’opinion du reste du pays concernant l’avortement.

« C’est une décision qui a été prise en Argentine. Dans le cas du Mexique, nous avons soutenu que c’est un thème qui doit faire l’objet d’une consultation et sur lequel les femmes doivent décider librement, et qu’il n’y a aucune limitation pour que se manifestent celles qui sont favorables à ces changements dans la législation, il y a liberté absolue », a-t-il assuré.

Il a également insisté sur le fait que l’avortement légal est un des thèmes les plus « polémiques », argument sur la base duquel il a toujours refusé de se prononcer clairement pour ou contre.

« Le mieux – comme je l’ai toujours soutenu – c’est de consulter les citoyens, de ne rien imposer, que tout soit en accord avec la décision majoritaire des personnes et dans ce cas des femmes, qu’elles décident librement, mais qu’on n’impose rien. La meilleure méthode pour résoudre les divergences, les différences, les points de vue, c’est la méthode démocratique, voilà ce que j’ai toujours soutenu », a-t-il proposé, bien que l’un des thèmes des campagnes en faveur de la légalisation soit que les droits ne sont pas une affaire de référendum et que même son parti, Morena, a applaudi le vote du Sénat argentin.

López Obrador a insisté sur le fait que c’est une décision des femmes. « Ma position est que sur ces thèmes où il y a des points de vue favorables ou contraires – parce que c’est cela la démocratie, il n’y a pas de pensée unique –, le mieux est de consulter les citoyens et dans ce cas, je le répète, les femmes. Et il y a des mécanismes pour pouvoir demander une consultation, notre Constitution l’établit à l’article 35, on réunit un nombre déterminé de signatures, on sollicite une consultation et cette consultation peut être contraignante, et conduit à ce que les lois soient modifiées ou non, en fonction de l’opinion des femmes », a-t-il signalé.

Le président a réitéré qu’il ne croit pas convenable de prendre « une décision d’en haut », c’est-à-dire du gouvernement, vu qu’il existe l’option que le pouvoir législatif modifie la loi en accord avec les résultats d’une consultation, fruit de la démocratie participative.

« Il s’agit de respecter tout le monde, de mettre en avant la liberté. Nous sommes libres et au Mexique on essaie, surtout avec ce gouvernement, d’écouter et de prendre en compte tout le monde, sans distinction de religion, de courant de pensée, de situation économique, sociale, culturelle. C’est consulter tout le monde, parce que tous, tous, tous, et dans ce cas spécifique toutes les femmes, méritent le respect, toutes, et il doit y avoir égalité. Alors, si l’on considère que c’est nécessaire, important, il y a la voie pour qu’une décision soit prise. Que n’interviennent pas des structures du pouvoir, c’est-à-dire que ce ne soit pas une affaire du gouvernement ou des pouvoirs ou des Églises, mais que ce soit une affaire des femmes, des citoyens, des gens, du peuple », a-t-il préconisé.


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3568.
 Traduction de Sylvette Liens pour Dial.
 Source (espagnol) : Cubadebate, 4 janvier 2021.

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