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Opinion

CHILI - Bye bye, Pinochet !

Emir Sader

mercredi 2 juin 2021, mis en ligne par Françoise Couëdel

19 mai 2021 - Le Chili sera un pays nouveau quand il sera doté d’une nouvelle Constitution qui reprendra les objectifs d’Allende : « Que le peuple comprenne que ce n’est pas d’en haut, mais de ses racines que doit naître la Charte suprême ».

Depuis la fin de la dictature de Pinochet jusqu’à ces élections le processus a été long. La transition qui a restauré la démocratie politique au Chili a duré longtemps mais elle a conservé la constitution imposée en plein état de siège par Pinochet – même si celle-ci a été modifiée sur certains points – et la politique économique néolibérale.

Une coalition entre le Parti socialiste et la Démocratie chrétienne a été responsable de cette longue transition qui a commencé en 1990 et s’achève maintenant, plus de trente ans plus tard. À partir de 2019, une série de manifestations populaires jamais vues au Chili, qui ont commencé par des oppositions à l’augmentation de billets de métro, ont troublé la tranquillité apparente de la vie chilienne.

Le mouvement populaire qui a été lancé avec ces protestations a fini par réclamer une consultation qui a approuvé la convocation d’une Assemblée constituante, avec parité de genre, et représentation des peuples indiens. Les 155 parlementaires qui rédigeront la nouvelle Constitution chilienne ont déjà été élus et celle-ci sera soumise à referendum de la population le premier semestre 2022.

Les résultats ont été à la hauteur du tremblement de terre qu’ont représenté les mobilisations de 2019, qui n’ont cessé qu’avec la survenue de la pandémie. Le premier résultat a été la défaite de la droite. Le front qui a réuni tous les partis de droite a obtenu moins d’un tiers des voix, le pire résultat de l’histoire. Un résultat qui compte moins de 10% de soutien au président Sebastián Piñera, également battu.

Le second résultat a été le faible vote du centre gauche, l’alliance entre socialistes et démocrates chrétiens. Celle-ci est arrivée en troisième position ce qui a conduit à la polarisation entre eux et la droite chilienne.

La grande nouveauté, résultat direct des grandes manifestations a été autant celui de la nouvelle gauche, exprimée en partis et nouvelles alliances de partis – le Front ample, considéré comme le grand vainqueur –, que le vote du Parti communiste et, principalement, le vote des indépendants qui ont pu se lancer comme candidats individuels.

Au total, les forces progressistes auront autour de 70% des représentants à l’Assemblée constituante. Enfin, le Chili pourra se défaire de la vieille constitution pinochetiste et du modèle économique néolibéral. Le fantôme de Pinochet sera finalement totalement exorcisé.

Pour la première fois aussi ont été élus, au suffrage direct, les gouverneurs et les maires de tout le Chili. Malheureusement tout cela ait été gâché par la faible participation des électeurs : moins de la moitié a voté, résultat de la décision désastreuse d’en finir avec l’obligation de vote, qui a conduit à ce que les présidents et autre élus recueillent un faible pourcentage de voix. Les jeunes, en grande partie, ne s’inscrivent même pas sur les registres électoraux. Le Congrès a tenté cette semaine de révoquer cette décision et de rétablir le vote obligatoire mais n’a pas obtenu le quorum nécessaire pour le faire. On suppose que ce sera un des changements à inscrire dans la nouvelle constitution chilienne.

Comme si toutes ces émotions n’avaient pas été suffisantes. Le Chili aura des élections présidentielles en octobre de cette année, dans un climat polarisé par les grandes manifestations populaires et par les débats fondamentaux au sein de la Constituante. Il y aura certainement un candidat de la droite, un de l’alliance de centre-gauche. Dans le camp de la nouvelle gauche, il y a des pré-candidats du Front ample et du Parti communiste qui débattent aujourd’hui de la possibilité de maintenir les deux candidatures ou de consulter l’ensemble de la gauche, pour présenter une candidature unique.

Dans tous les cas, pour la première fois, le Chili a la possibilité d’avoir un président qui ne soit ni de droite ni de centre gauche. Dans ces deux dernières possibilités, très probablement dans le cas de centre gauche et certainement dans le cas de la nouvelle gauche, le nouveau gouvernement chilien rejoindra le groupe des gouvernements anti néolibéraux et progressistes de l’Amérique latine qui actuellement comprend le Mexique, l’Argentine, la Bolivie et pourra compter à partir de l’an prochain, aussi le Brésil.

Le Chili qui sortira de tout ce processus sera un pays neuf, doté d’une nouvelle constitution qui suivra les grandes orientations proposées par Salvador Allende : « Que le peuple pour la première fois comprenne que ce n’est pas d’en haut mais des racines même de ses convictions que doit naître la Chartre suprême, qui lui assurera une existence en tant que peuple digne, indépendant et souverain ». Si longtemps après sa disparition, Allende fait justice à Pinochet, la démocratie fait justice à la dictature.


Traduction française de Françoise Couëdel.

Source (espagnol) : https://www.alainet.org/es/articulo/212319.

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