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DIAL 2805

HAITI - Les premiers constats de la mission d’investigation et de solidarité avec le peuple haïtien.

lundi 16 mai 2005, mis en ligne par Dial

Nous publions ci-dessous le communiqué rendu public à Port-au-Prince par la mission menée en Haïti par Adolfo Pérez Esquivel, prix Nobel de la paix et Nora Cortiñas, mère de la Place de Mai-Ligne fondatrice, le 8 avril 2005, la veille du jour où se terminait leur mission.


La Mission d’investigation et de solidarité avec Haïti, dirigée par le Prix Nobel de la paix Adolfo Pérez Esquivel, et Nora Cortinas, Mères de la Place de Mai-Ligne fondatrice, et composée de 20 représentants de mouvements, réseaux et institutions sociaux, culturels et politiques d’Amérique latine, des Caraïbes, de l’Amérique du Nord et d’Afrique, souhaite, en premier lieu, remercier les personnes et organisations haïtiennes qui ont facilité cette visite et qui ont partagé leurs expériences, leurs témoignages, leurs douleurs et leurs espoirs avec nous.

Nous sommes convaincus que l’avenir des peuples d’Amérique latine, des Caraïbes et de tous les peuples du Sud se joue aujourd’hui en Haïti. Notre droit à déterminer notre propre destin est en jeu.
Durant notre court séjour, nous avons pu nous réunir avec des fonctionnaires du gouvernement intérimaire, des organisations sociales de droits humains, des organisations paysannes, des organisations de femmes, des syndicats, des étudiants, des partis politiques, des représentants universitaires, des ambassades, des organismes internationaux et la MINUSTHA. Tous nous ont fourni des informations et des éléments d’analyse qui ont enrichi énormément notre compréhension de la situation actuelle du peuple haïtien dans le contexte de sa longue lutte pour la conquête de la démocratie, du développement et de l’autodétermination.

A cette occasion et avant de conclure notre programme de visites et de rencontres, nous voulons partager avec vous quelques premières constatations :
1. Nous reconnaissons et nous saluons la lutte profonde que mène le peuple haïtien qui, depuis plus de deux siècles, a résisté aux assauts extérieurs et intérieurs qui se sont opposés à l’émancipation des forces populaires constructives. Dans cette perspective, il nous paraît important de souligner que la chute d’Aristide doit être interprétée à la lumière de grandes mobilisations sociales réclamant sa démission et proposant leurs propres alternatives de transition.

2. Le problème d’Haïti n’est pas de nature militaire ; en conséquence, il ne peut être résolu par des mesures de cette nature. Nous rejetons la présence des forces internationales d’occupation en Haïti, qui affectent grandement sa souveraineté, et, nous exigeons de nos gouvernements le retrait de ces forces selon des modalités et un calendrier établis par les acteurs sociaux et politiques de la société haïtienne.

3. Nous proposons que soit garantie la constitution d’un Etat de droit qui rend possible la pleine jouissance, l’accomplissement et le respect des droits humains dans toute leur intégralité.

4. Pour assurer un processus électoral démocratique, transparent et sûr, nous recommandons aux autorités provisoires en place d’inviter l’Union interaméricaine des Organismes électoraux (UNIORE) pour que, de concert avec l’Institut interaméricain des droits de l’homme et la Commission d’appui et de promotion électorale (CAPEL) elles soutiennent la mise en place d’un plan d’administration électorale.

5. Nous proposons que les fonds débloqués pour les projets de développement du peuple haïtien soient de nature non remboursable et destinés aux projets des organisations sociales et aux communautés locales et non aux projets formulés par les organismes internationaux comme c’est le cas du Cadre de coopération intérimaire. Il est prioritaire de réaliser la réforme agraire proposée par les mouvements paysans, ce qui est indispensable pour la récupération et la défense de la souveraineté alimentaire.

6. Nous nous opposons à ce que le pays soit transformé en un grand espace de maquilas [1] implantées dans des zones franches, qui exploitent les travailleurs dans une nouvelle forme d’esclavage.

7. Nous exigeons l’annulation de la dette externe immorale et illégale, qui continue d’être une forme de pillage des ressources du peuple haïtien.

8. Nous reconnaissons et nous exigeons l’indemnisation et le dédommagement de la dette historique, sociale et écologique principalement de la part de la France et des Etats-Unis envers le peuple haïtien.

9. Nous croyons que de nouvelles formes de coopération internationale sont possibles. Elles doivent reposer sur le respect et l’autodétermination de chaque peuple, à travers des échanges d’expériences culturelles, sociales, scientifiques et technologiques menées par des organisations sociales et gouvernementales. Nous nous engageons à avancer dans un processus intense d’accompagnement du peuple haïtien en diffusant dans nos communautés et le monde entier les informations et les perspectives que nous avons recueillies, et en impulsant différentes actions comme l’arrivée en juin prochain d’une délégation de paysans et de techniciens agricoles du Mouvement des sans-terre (MST) du Brésil pour une collaboration avec les paysans haïtiens.

En terminant demain le travail de la mission, nous procéderons à la rédaction d’un rapport final sur notre vision de la situation actuelle en Haïti, de nos recommandations et des engagements que nous assumons.

Port-au-Prince, le 8 avril 2005

Membres de la mission :

Adolfo Pérez Esquivel, Prix Nobel de la paix / Fondation Service paix et justice (Argentine)

Nora Cortinas, mère de la Place de Mai-Ligne fondatrice (Argentine)

Beverly Keene, Jubilée Sud / Dialogue 2000 (Argentine)

Alejandro Barrientos, Mouvement des documentalistes (Argentine)

Adriel de Souza Maia, évêque, Conseil national des Eglises chrétiennes (Brésil)

Walmir Assunção, député, Mouvement des sans-terres (MST) / Via Campesina (Brésil)

Lucélia Santos, artiste et militante écologique / conseillère du Conseil présidentiel pour le développement économique et social (Brésil)

Joao Luis Pinaud, Eglise évangélique luthérienne / Paix et droits humains en action (Brésil)

Carolina Vilanova, journaliste à Folha de Sao Paulo (Brésil)

Sandra Quintela, PACS / Campagne Jubilée Brésil contre la dette, l’ALCA et la militarisation (Brésil)

William Sloan, Association américaine de juristes (Canada)

Jean Peutetre M’Pele, Comité pour l’abolition de la dette du tiers-monde/Solidaires / ASPAH (Congo Brazzaville)

Aurora Donoso, Alliance des peuples du Sud pour la de la dette écologique / Action écologique (Equateur)

Flavia Cherry, Alliance sociale hémisphérique / Association caraïbéenne d’investigation et Action féministe (CAFRA) (Sainte Lucie)

Ana Juanche Molina, Service Paix et Justice en Amérique latine (Uruguay)

Efrain Olivera, Plate-forme interaméricaine de droits humains, démocratie et développement (Uruguay)

Jhannett Madriz Sotillo, députée, Confédération des parlementaires des Amériques COPA (Venezuela)

Luis Antonio Bigott, député, Parlement andin / Conseil supérieur de l’Université andine « Simon Bolivar » (Venezuela)

Vidal Cisneros G, Parlement andin (Venezuela)

Luis Días Laghee, Parlement andin (Venezuela)


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2805.
 Traduction Dial.

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[1Filiales de multinationales.

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