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DIAL 2633

GUATEMALA - Des communautés religieuses à la recherche d’une voie indigène

mardi 1er avril 2003, par Dial

Des communautés religieuses féminines dont les membres appartiennent à diverses cultures indigènes présentes au Guatemala s’interrogent sur leur capacité à intégrer des rites, mythes et symboles traditionnels dans le cadre de leur vie communautaire. C’est ce genre d’interrogations, modestes et concrètes, qui peuvent faire avancer l’indispensable inculturation de la foi dans le monde indien d’Amérique latine. Texte de la Commission de pastorale indigène de la Confédération des religieux du Guatemala (CONFREGUA), publié par la Revista CLAR, revue de la Confédération latino-américaine des religieux, novembre-décembre 2002.


« Le Royaume de Dieu est comme cette communauté de vie, femmes et hommes avec différents visages mais avec un seul cœur, qui tisse dans le partage le visage de Dieu enraciné dans la culture des peuples. » Nous sommes une communauté de vie, des hommes et des femmes consacrés de différentes cultures ; nous voulons redécouvrir et approfondir notre spiritualité pour fortifier une Église autochtone aux différents visages, prenant en compte les valeurs de nos cultures. Nous pouvons affirmer que notre diversité est une bénédiction, et nous luttons pour accueillir, recréer et enrichir notre terre avec l’apport de chacun et de chacune. Ainsi, à l’heure de la récolte, notre terrain donnera une variété de fruits qui, sans perdre notre spécificité de femmes et d’hommes, affirmera au contraire l’identité de chacun et de chacune, nous consolidant dans notre appartenance à une cosmovision qui veut faire vivre le Royaume de Dieu à partir de notre spiritualité.
Une des sources qui alimente notre amour pour ce cheminement est la prière que nous partageons à l’heure d’entreprendre à nouveau le chemin de l’inculturation. A partir de notre vie quotidienne, de l’histoire de notre vie, de nos peuples, chacun et chacune retraduisons la vie, simplement et modestement, avec des signes et des symboles vitaux du peuple. Nous témoignons de la richesse des valeurs que pendant un temps l’histoire a fait taire et qui aujourd’hui viennent danser avec nous, hommes et femmes.

Comme toute graine qui veut germer, nous rencontrons des difficultés : c’est pour nous le signe qu’au moins nous faisons bouger quelque chose et cela nous pousse à continuer la lutte. La réflexion d’Eleazar López dans Théologie indienne, anthologie nous a beaucoup éclairées : dans « Terre Sacrée », on voit que dans sa vie, comme dans la vie d’autres personnes qui luttent pour un Royaume universel, il y a des problèmes, des ombres, un esprit de lutte et l’acceptation de se laisser modeler par la sagesse des anciens et des anciennes. Il a fait de sa terre une terre aplanie où tout pèlerin puisse marcher et s’abreuver de sagesse pour entreprendre ce chemin d’inculturation qui cherche une Église ayant le visage d’un Dieu indigène.

Un défi surgit pour nous maintenant : « L’inculturation se fait à partir d’un dialogue où existent égalité et transformations audacieuses - conversion, où les peurs sont surmontées et les portes ouvertes - invitation au bonheur et au sens. »

Cette rencontre a éveillé une forte dynamique pour continuer la lutte et entrer en contact avec d’autres frères. Nous, hommes et femmes qui cheminons dans cette perspective pour réunir nos forces, nous le prenons comme un choix de vie ; non comme un mouvement qui surgit selon la mode du temps ou celle des élites, mais comme une urgence pour que la lutte continue jusqu’à ce que le Royaume de Dieu devienne réalité dans les peuples. Et cela fait partie du rêve de Dieu sur ces terres. L’espérance est en chacun et chacune de nous ; la vie dans les communautés nous pousse à donner plus de force aux valeurs de l’Évangile à partir de notre réalité culturelle pour que, toutes ensemble, nous continuions à rechercher et à promouvoir la dignité humaine. Nous cherchons ainsi à consolider notre identité culturelle et notre style de vie de consacrées, échangeant nos expériences, nous enrichissant de la diversité pour ne pas être des pierres, c’est à dire des obstacles sur le chemin et l’histoire du peuple, mais pour qu’au contraire nous soyons comme l’engrais que l’on répand sur les plantations de maïs : quand le maïs croît, l’engrais disparaît, mais révèle sa qualité dans la beauté du maïs et de ses épis.

« Cheminons, frères et sœurs, comme peuple ; que personne ne reste en arrière. »

En partageant le fruit d’une réunion

Nous avons partagé des expériences communautaires. Le point central a été la mise en commun des expériences de vie communautaire maya prenant en compte le vécu personnel, les rites, les mythes, les symboles. Parmi la grande richesse des expériences apportées, soulignons :

 Le feu est le centre qui réunit la famille. Les trois pierres. Être dans le feu, c’est faire mémoire de la transmission des ancêtres. Les ancêtres, hommes et femmes, sont ceux qui parlent le plus, qui racontent la signification des choses. Le feu est le lieu où l’on retrouve la mémoire.
Quand on faisait une fête, le premier qui savourait la nourriture était le feu, on lui en offrait une cuillerée, on lui offrait aussi du guaro [1].

 La terre. Elle est comme l’âme jumelle des femmes. Pour elles, c’est l’amie, la compagne... C’est pourquoi on lui donne de la nourriture et on change les langes des bébés sur la terre : car nous naissons de la terre et ensuite elle nous enveloppe.

 L’épi de maïs. Il symbolise le peuple, la communauté. Manger du maïs est aussi un symbole de communion.

 L’arbre. Depuis ses racines, symbole du peuple, de la vie de la communauté où tous sont importants.

 Le petate [2]. Parce qu’il est tissé, il est le symbole de la communauté. On y voit les déplacements de la communauté qu’il accompagne partout.

 La nourriture. C’est le symbole de la communauté, de la communion, et aussi du silence. Le silence est un acte sacré (comme être à la messe) ;
pour cela, 40 jours après leur naissance, on met un peu de piment (chile) dans la bouche des enfants pour qu’ils comprennent qu’ils ne doivent pas mentir, ni parler avant les adultes.

 La famille. C’est la base de la vie communautaire. La solidarité est grande quand il y a des fêtes, quand il y a des problèmes, quand il y a un défunt.

 Quand il y a un défunt. Il existe un grand sens communautaire et de solidarité quand quelqu’un meurt. Tout le monde collabore avec son offrande et tous viennent même s’ils doivent abandonner leur travail.

- Le tissage. Le vêtement de la personne dit beaucoup : la couleur, les dessins, les dimensions… Préparer le fil pour tisser est tout un rite. C’est apprendre à tisser notre propre vie. La première chose que nous apprenons est un zig-zag, comme une espèce de couleuvre, symbole de vie, des joies et des peines.

 Une nouvelle naissance. Quand l’enfant naît, on lui met du piment avec un peu de sel dans la bouche, symbole que dans la vie il y a de tout, des peines et des joies. La maman parle au bébé dans son ventre, elle lui enseigne le respect de la nature, des arbres… Quand c’est un garçon, on tue un coq ; quand c’est une fille, on tue une poule. Á la fille, on transmet tous les instruments de travail des femmes ; au garçon, on transmet les instruments des hommes. Quand le garçon ou la fille naissent mal, on leur met le bec d’un poulet dans la bouche et ils guérissent.

 Le sens communautaire. Parmi les femmes, il est très fort, on le voit dans le partage des tâches, des conseils, etc. Quand elles allaient laver dans les mares, elles se retrouvaient ; si elles avaient beaucoup de linge, elles y restaient toute la journée et partageaient la nourriture et leurs expériences. Un autre moment de rencontre entre elles, c’était quand elles allaient ramasser le bois.

 Les fêtes. Elles sont très communautaires. Tout le monde collabore ; on se répartit le travail et elles sont organisées rapidement.

 Les semailles. On réalise un rite que l’on commence à vivre en communauté ; c’est le moment d’égrener le maïs, cela se fait le soir, on invite différentes personnes, seulement des hommes, non seulement de la famille, mais aussi de l’extérieur. On fait une prière. Les couleurs du maïs sont mélangées. Quand on termine l’égrenage, on se réunit et on invite les femmes pour manger. On commence la veillée des semailles du lendemain.

On reste dans la prière. Quand arrive la nuit, les invités se retirent et ils reviennent le lendemain pour les semailles. La première chose que fait le propriétaire du maïs en se levant est une prière au centre du champ où l’on va semer. Il demande la permission à la terre et la bénédiction pour le maïs. Ensuite arrivent ceux qui vont aider et alors commencent les semailles. À la mi-journée, on fait une grande fête avec le déjeuner. La récolte est aussi une rencontre communautaire. Chaque famille emmène des épis pour en partager les fruits.

Tous ces symboles et expériences nous font comprendre que la vie communautaire est essentielle pour le peuple maya et nous pose beaucoup de questions : avons-nous apporté toute cette richesse communautaire à nos communautés religieuses ? Comment dépasser l’individualisme si fort qui s’introduit maintenant dans notre culture communautaire ? Comment entrer dans la modernité sans perdre nos valeurs ?


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2633.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : Revista CLAR, revue de la Confédération latino-américaine des religieux, novembre-décembre 2002.

En cas de reproduction, mentionner la source francaise (Dial) et l’adresse internet de l’article.

responsabilite


[1Eau de vie de canne à sucre.

[2Natte que l’on transporte avec soi et qui sert de couchage.

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