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ARGENTINE - Cent-quatorzième petit-fils retrouvé

Noticias Aliadas

jeudi 11 septembre 2014, par Dial

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DIAL avait présenté dans un article de 1999 [1] la lutte des Grands-Mères de la place de Mai pour retrouver les enfants séquestrés avec leurs parents ou nés en captivité pendant la dernière dictature militaire argentine (1976-1983). L’identification du petit-fils de la présidente des Grands-Mères de la place de Mai nous donne l’occasion de l’évoquer à nouveau [2]. Article publié par Noticias Aliadas le 18 août 2014.


Guido Montoya Carlotto a été identifié comme étant le petit-fils de la présidente des Grands-Mères de la place de Mai.

Hortensia Ordura, 91 ans, et Estela Barnes de Carlotto, 83 ans, n’ont jamais perdu l’espoir de retrouver leur petit fils qui fut séparé de sa mère, Laura Carlotto, quand elle le mit au monde dans un hôpital militaire en 1978. Laura et son conjoint Oscar Montoya Ordura furent arrêtés et « disparus » par la dictature militaire qui gouverna l’Argentine de 1976 à 1983.

Guido Montoya Carlotto naquit le 26 juin 1978 dans le centre clandestin de détention connu sous le nom de La Cacha, dans la ville de La Plata. Laura, sa mère, ne le garda auprès d’elle que cinq heures. Barnes de Carlotto ne savait pas que sa fille était enceinte et apprit qu’elle avait un petit fils grâce à une survivante de La Cacha. À partir de ce moment-là, elle entreprit des recherches qui ont duré presque quarante ans.

Barnes de Carlotto est la présidente emblématique de l’association des Grands-Mères de la place de Mai, qui se consacre à la recherche et à la restitution à leurs familles légitimes des fils et filles de détenues qui ont accouché dans des centres de détention. Environ 500 nouveaux nés furent séparés de leurs mères, selon les estimations de l’organisation.

« Les enfants volés comme “butin de guerre” furent inscrits comme leurs propres enfants par les membres des forces de répression, déposés n’importe où, vendus ou abandonnés dans des institutions, comme des êtres non identifiés, NN. De cette façon on les fit disparaître, en effaçant leur identité, en les privant de leur vie avec leur famille légitime, de tous leurs droits et de leur liberté », précise l’association des Grands-Mères de la place de Mai.

Doute sur son identité

Montoya Carlotto, qui portait le nom d’Ignacio Hurban, est un musicien qui, jusqu’à récemment, pensait qu’il était né à Olavarría, une localité à 300 km au sud-ouest de Buenos Aires, et qu’il était le fils de Juana et Clemente Hurban.

En juin, il prit contact avec les Grands-Mères de la place de Mai pour connaître ses origines car il avait des doutes concernant son identité. Il avait même participé à des concerts de « Musique pour l’Identité », événements dont l’objectif est de faire connaître les recherches menées pour retrouver les petits-enfants volés pendant la dictature. Comme plusieurs indices lui permettaient de supposer qu’il pouvait être le fils de détenus disparus, il se présenta devant la Commission nationale pour le droit à l’identité (CONADI), un organisme gouvernemental, et se prêta à des analyses ADN qui coïncida à 99% avec celui de Barnes de Carlotta.

« Je ne voulais pas mourir sans l’avoir embrassé » a confié à la presse Barnes de Carlotto.

Les lois du Point final et d’Obéissance due – votées respectivement en 1986 et 1987, sous la présidence de Raúl Alfonsín (1983-89), empêchaient de juger les responsables de la répression. La première loi mit fin aux procès pour violations des droits humains et la seconde empêcha qu’on poursuive les investigations concernant les officiers et personnels de l’armée alléguant qu’ils avaient obéi aux ordres de leurs supérieurs. Ces lois, cependant, n’incluaient pas les délits d’appropriation de mineurs et de substitution d’identité. Elles ne concernaient pas non plus l’Opération Condor, coordination répressive des dictatures militaires sud-américaines durant les décennies de 1970 et 1980, ni le vol des biens des opposants politiques.

En 1997, les Grands-Mères de la place de Mai lancèrent une procédure pénale, alléguant que le vol des bébés faisait partie d’un plan systématique, orchestré depuis le plus haut niveau de l’État, pendant la dictature. L’annulation en 2005 des lois de Point final et d’Obéissance due permit de juger les responsables de la répression.

En juillet 2012, les anciens chefs et commandants suprêmes du gouvernement militaire furent condamnés, Jorge Videla (à 50 ans), Reynaldo Benito Bignone (à 30 ans), Jorge Eduardo Acosta (à 40 ans), Oscar Franco (à 40 ans), pour, entre autres délits, soustraction d’enfants. Le tribunal reconnut qu’avait existé un plan organisé et systématique d’appropriation de bébés nés de femmes enceintes en détention.

Montoya Carlotto est le 114e petit fils retrouvé, mais il en reste encore 400 à trouver. Ces dernières années, les Grands-Mères de la place de Mai ont intensifié les campagnes envers les jeunes gens qui ont des doutes sur leur identité. La diffusion actuelle de ce cas a incité beaucoup de jeunes gens, dans tout le pays, à se présenter à l’association pour recueillir des informations et même se soumettre à des tests ADN.


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3293.
 Traduction de Françoise Couëdel pour Dial.
 Source (espagnol) : Noticias Aliadas, 18 août 2014.

En cas de reproduction, mentionner au moins l’auteur, la traductrice, la source française (Dial - www.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.

responsabilite


[1Voir DIAL 2279 - « ARGENTINE - Des enfants en quête d’identité ».

[2Luz, ou le temps sauvage, roman de l’Argentine Elsa Osorio dont une présentation vient d’être publiée sur le site DIAL - AlterInfos aborde aussi ce sujet. Voir « ROMAN - ARGENTINE - Luz, ou le temps sauvage, d’Elsa Osorio ».

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