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DIAL 3354

Histoire d’une sans-papiers : Traversée du désert de Sonora-Arizona, chapitres V-VIII

Ilka Oliva Corado

mardi 26 janvier 2016, mis en ligne par Dial, Ilka Oliva Corado

Ilka Oliva Corado, guatémaltèque, vit désormais aux États-Unis. Dans Historia de una indocumentada : Travesía en el desierto de Sonora-Arizona, publiée en 2014, elle témoigne du périple qui l’a menée du Guatemala aux États-Unis. Aux frontières de l’Europe, des États-Unis, du Japon, ailleurs aussi, tous les jours, des migrants tentent, comme elle, de parvenir de « l’autre côté ». La traduction de ce livre paraît en trois fois, dans les numéros de décembre 2015 (chapitres I-IV), janvier et février 2016. Nous publions ici les chapitres cinq à huit, qui décrivent le passage des différentes barrières sur la ligne de frontière et la lutte pour la survie face aux exactions de la Patrouille frontalière.


>> Lire les chapitres I à IV.

Chapitre V

J’ignore combien il y a de kilomètres entre Agua Prieta et la frontière avec l’Arizona. Nous n’avions pas marché en ligne droite, notre route zigzaguait, semblait parfois revenir à Agua Prieta au lieu de se diriger vers l’Arizona. Mais je sais combien de kilomètres nous avons parcouru car le coyote avait un appareil – une sorte de montre – qui faisait aussi office de boussole et enregistrait la distance parcourue.

À minuit pile, on nous donna le signal pour traverser la ligne de partage et c’est là que ce voyage tranquille est devenu un cauchemar. Des centaines de migrants se sont mis à sauter les grillages de fils barbelés, s’efforçant d’arriver de l’autre côté sans être interceptés par la Patrouille frontalière. Des gens de tous âges, enfants, adolescents, adultes et personnes âgées, y compris des personnes de plus de 70 ans, tentaient de sauter. La désorganisation générale, l’angoisse et la peur firent de ces fils barbelés des armes blanches teintées de sang frais ; des lambeaux de chair, peau et cheveux y restaient accrochés.

On entendait distinctement la peau se déchirer et les barbelés entailler la chair, parfois jusqu’aux os, les cris de douleur qu’on essayait d’étouffer en mordant un bout de tissu. Des enfants étaient jetés de l’autre côté où ils retombaient sur les pierres, sans que leur chute ne soit amortie ; des vieillards tombés à terre étaient piétinés par la foule. C’était des kilomètres et des kilomètres de personnes qui franchissaient les clôtures métalliques.

La lune éclairait la nuit telle une lampe à huile indiquant le chemin du village. En plus des silhouettes on distinguait les visages, et la peur et l’angoisse se lisaient dans les regards.

Il ne m’a pas été difficile de sauter la clôture car j’ai grandi dans une zone de ravins et pris part à des expéditions, avec les amis d’enfance de mon quartier – les 16 hommes de ma vie — entre les potagers des villages et les champs alentours.

J’ai agrippé des deux mains un des poteaux pourris qui soutiennent les clôtures, je me suis servie des rangées de fils métalliques comme de marches d’escalier et, arrivée au sommet, j’ai sauté de l’autre côté. Certains faisaient le contraire : ils utilisaient la technique traditionnelle et maintenaient d’un pied la rangée la plus basse, soulevaient la suivante avec la main et tentaient de se glisser entre les deux, mais cela ne marchait pas en raison du grand nombre de personnes et de la désorganisation générale. Chacun sautait comme il le pouvait, selon la technique qui lui convenait, provoquant ainsi un attroupement et des blessures qui, même si elles sont désormais cicatrisées, sont, après des années, encore ouvertes dans l’âme de centaines de milliers de personnes. Cette histoire des douze millions de sans-papiers aux États-Unis est un beau mensonge alors que des milliers traversent chaque minute la frontière par voies de terre, air et eau.

Nous franchîmes la première clôture et courûmes pour traverser la voie ferrée. Nous déposâmes nos sweaters et nos pulls sur le sol et nous remîmes à courir de nouveau en file indienne, le dernier du groupe ramassant les vêtements qu’il nous rendit en arrivant à l’autre clôture, située déjà sur le sol états-unien. Il est curieux et pourtant vrai que la clôture du côté mexicain ressemblait à celles qu’on voit dans les villages latino-américains, dont l’unique fonction est d’empêcher les bêtes d’atteindre les plantations des potagers – la différence est énorme avec les deux clôtures du côté états-unien construites avec des machines de dernière génération. Au lieu de poteaux de bois, les piliers sont d’épaisses poutres, qui paraissaient en acier, les rangées de fils métalliques sont plus denses et plus serrées – tilintes dirait-on dans mon village natal de Jutiapia – ce qui stoppa net cette masse humaine et augmenta les blessures et le sang versé.

Il était impossible de placer un pied et d’abaisser la ligne de fil de fer qui résistait car elle était fixée de façon incroyable par de grosses agrafes soudées aux poteaux. J’ignore si cette clôture était présente uniquement dans une certaine zone ou tout au long de la frontière du désert. Les gens ont décidé de se lancer en plongeant, comme si ce qui les attendait de l’autre côté était le trou d’eau d’une rivière. Leurs vêtements restaient accrochés, de même que la peau. Les personnes qui essayaient de décrocher leurs vêtements, leurs cheveux ou leur peau étaient poussées par la foule qui ne mesurait pas les conséquences. C’est ainsi que beaucoup d’entre elles ont laissé des lambeaux de lèvres, de nez et de joues accrochés aux pointes des barbelés.

J’en vis d’autres qui perdirent un œil car les pointes s’incrustaient dans les pupilles ; des hommes qui se déchirèrent les testicules. Des douzaines de personnes s’arrêtèrent à cette clôture et renoncèrent à continuer, soit parce qu’elles ne purent pas traverser, soit parce que la gravité de leurs blessures les en empêchaient.

La seconde clôture du côté états-unien était encore plus serrée et se transforma en un second type de passoire, immobilisant quelques centaines de plus, personnes âgées, femmes enceintes, blessés, et personnes qui n’avaient plus ni le courage ni la force physique de continuer. Je vis des coyotes sortir des couteaux de bouchers et trancher la gorge des personnes qui s’étaient blessées sur les clôtures et criaient de douleur. Ils ne voulaient qu’un cri puisse alerter la Patrouille frontalière et qu’elle nous découvre tous, mettant en danger leur affaire et les conduisant en prison pour plusieurs dizaines d’années si quelqu’un les dénonçait. Ils nous menaçaient tous avec des couteaux de boucher et des revolvers, forçant à réfléchir à deux fois tous ceux tentés de se plaindre.

Des jets de sang giclaient des gorges tranchées et éclaboussaient les vêtements de ceux qui, serrés les uns contre les autres, tentaient de vaincre leur peur et de sauter la troisième clôture, tandis que les blessés défaillaient et tombaient au sol, agonisant sans que personne ne s’en soucie. Nous étions tous absorbés par notre propre sort d’une manière que seuls peut-être peuvent comprendre ceux qui ont traversé clandestinement la frontière. Dans ces moments d’appréhension, on réalise, comme le chantait José Alfredo Jiménez [1] dans « Sur le chemin de Guanajuato », « La vie ne vaut rien, la vie ne vaut rien. Elle commence toujours dans les larmes et s’achève de même dans les larmes. C’est pour ça qu’en ce monde, la vie ne vaut rien. »

La Patrouille frontalière emmène les corps à la morgue du village le plus proche. On l’a vue parfois lancer les corps par-dessus la clôture pour qu’ils pourrissent sur le sol mexicain, évitant ainsi au gouvernement des États-Unis de dépenser de l’argent dans des enterrements de corps anonymes. Si ce sont des migrants ou des coyotes qui les trouvent, ils agissent de manière similaire, ils dégagent les corps de la route pour qu’ils ne constituent un obstacle aux tentatives des autres.

Voilà ce qui advient de corps qui deviennent ensuite poussière, s’unissant à l’érosion du désert – corps de ceux qui meurent de soif, de faim, de fatigue et des centaines de milliers qui, au fil des années, sont morts de leurs blessures, perdant leur sang jusqu’à se retrouver vides de rêves et de souvenirs, et qui recherchent dans leur agonie l’étreinte lointaine de ceux qui sont restés à attendre leur retour.

J’ai vécu moi aussi la dépression post-frontière, des années durant j’ai été habitée par le syndrome d’Ulysse qui me consumait lentement, m’enfermait en moi-même et me vola une grande part de moi-même. De joyeuse et extravertie, je suis devenue totalement silencieuse et sombre, un bloc de glace ; des heures durant, je me suis noyée, jusqu’à l’épuisement, dans le travail pour ne pas penser ni sentir, mais c’était impossible. Le fiel de l’amertume m’envahit complètement.

La vie sur la frontière ne vaut rien, j’en ai fait l’expérience directe. C’est pour cette raison et bien d’autres, que rien ni personne ne peut me faire cesser de conserver les pieds sur terre, qu’il ne peut s’agir d’une bataille d’egos. On a beau me flatter en m’appelant aujourd’hui « écrivaine et poète » et tenter d’utiliser mes textes comme mercenaires pour des fins d’outre-tombe, ma conscience n’est pas à vendre, pas même pour un sac de feuilles de maïs. Elle est fidèle aux invisibles parce qu’elle vient de l’une d’entre eux.

Nous traversâmes la troisième clôture et vîmes comment des douzaines de personnes restaient bloquées là entre les fils de fer barbelés et le désarroi des orphelins de la migration. Commençait un nouveau parcours de ma vie, entre cactus et adversité.

Chapitre VI

Quand nous sautâmes la troisième clôture, le coyote responsable de notre groupe se mit à courir et, suivant à ses instructions, nous aussi. Nous devions nous éloigner de la ligne de démarcation, le plus vite possible, car la Patrouille frontalière allait bientôt commencer sa chasse.

Quand nous étions encore sur le territoire mexicain il nous avait expliqué que c’était une sorte de jeu du chat et de la souris. La Patrouille frontalière donne un certain temps aux sans-papiers pour qu’ils traversent et courent ; elle les pourchasse ensuite avec ses armes de francs- tireurs, ses flash ball, ses tasers et ses chiens dressés qu’elle lâche en meute afin qu’ils traquent le plus grand nombre possible de sans-papiers. Elle les enferme ensuite dans les fourgons pour chiens et les conduit au centre de détention avant de les expulser. L’angoisse des camarades qui avaient déjà tenté de passer pendant la semaine précédente et qui avaient été expulsées était d’être arrêtées et de nouveau abusées sexuellement par les policiers de la Patrouille frontalière. Tout cela me paraissait incroyable, comme si j’étais plongée dans un cauchemar dont je ne pouvais plus sortir, me réveiller.

Fatigués par les kilomètres parcourus nous traversâmes les clôtures de la ligne de démarcation et nous mîmes à courir, sous l’emprise de l’angoisse et l’adrénaline de ceux qui ont déjà un pied dans la tombe. Personne ne m’a jamais dit que le désert c’était ça ; on ne l’a pas dit non plus aux centaines de sans-papiers qui étaient présents cette nuit-là. Personne n’évoque la réalité de ce qu’on vit quand on traverse sans papiers car si les coyotes le faisaient, ils n’auraient pas de clients. Et celui qui a traversé la frontière ne raconte pas non plus ce qu’il a vécu car il se refuse à évoquer ses souvenirs ou souhaite simplement qu’un autre vive aussi cette torture. J’ai fait face à une réalité totalement différente de celle qu’on m’avait décrite et je ne pouvais pas rebrousser chemin, même si je l’avais souhaité. Cependant, à aucun moment, il ne m’est venu à l’esprit de regretter. Dès mon enfance, la vie m’a enseigné à affronter les conséquences de mes décisions, même si je devais mordre la poussière comme cela m’est arrivé en plus d’une occasion. Je ne regrette pas une seconde l’audace qui a dessiné l’histoire de ma vie, j’ai vécu ce qui se présentait sur mon chemin.

Pourquoi es-tu aussi stupide, m’a dit ma mère toute ma vie. Je suis celle de ses filles qui lui a fait faire des cheveux blancs quand elle avait la trentaine. Mon sale caractère, ma tendance à tout faire à l’envers, à mon rythme et quand c’était bien pour moi, et non pour les autres, m’ont enseigné à lutter là où d’autres renoncent.

Cette stupidité qui m’habite m’a sauvé la vie dans le désert, à plus d’une occasion. Ces stupidités qui sont parties intégrantes des contradictions que me constituent m’ont aussi donné de fugaces moments de bonheur.

Nous commençâmes à courir derrière le coyote pour ne pas nous perdre au milieu des centaines d’autres groupes qui couraient aussi, essayant de s’éloigner au plus vite de la frontière, à grandes enjambées, à une vitesse que seules l’angoisse et l’instinct de survie sont capables de susciter chez une personne que la peur tente de paralyser.

Le terrain était encore plus accidenté, les pierres plus grosses et, à chaque pas, quelqu’un se tordait une cheville, ou tombait en s’écorchant les genoux, s’il arrivait à arrêter sa chute avec les mains, sinon c’était le visage qui prenait et la foule lui passait dessus, incapable de penser à personne d’autre si ce n’est à sauver sa propre vie.

Quand nous avions déjà parcouru un kilomètre, sans cesser de courir, j’ai ramassé une pierre et l’ai mise dans une autre poche de mon survêtement ; pour ne pas les confondre, je l’ai prise plus petite que celle que j’avais ramassée dans le désert de Sonora. J’avais mes deux amulettes et je les ai serrées dans mes poings en me disant que, si je survivais, je raconterais l’histoire de ma traversée aux générations suivantes du clan Oliva Corado et que les deux pierres serviraient d’illustration. Ce que je ne savais pas et qui m’a énormément surprise moi-même, c’est que le hasard ferait de moi une écrivaine et que l’expérience de ma traversée et les chapitres de ma vie seraient racontés dans mes écrits et non par ma voix de grand-mère, assise dans un fauteuil, entourée de petits neveux, buvant un café fouetté, à l’heure de la prière, dans mon Comapa natal.

J’ai abandonné complètement le fantasme d’un foyer familial, pour me tracer un chemin abrupt, battu par les vents qui ne connaissent ni frontière ni âge. J’ai 34 ans et j’ai vécu intensément chaque seconde de mon existence, à tel point qu’il me semble que, sous ma peau, se cachent plusieurs vies. J’ai la conviction d’être un être bizarre et intemporel.

Nous courûmes trois kilomètres sans nous arrêter jusqu’à ce que je rejoigne le coyote et lui demande de nous laisser nous reposer au moins trois minutes, pour que nous puissions tous boire de l’eau. À partir de ce moment-là, grandit en moi l’inquiétude sur la santé de tous ceux qui, en chemin, poussés par les circonstances, avaient parlé de leurs maux : arthrite, diabète, problèmes respiratoires et cardiaques. L’excès de poids de trois d’entre eux m’inquiétait car il ne leur permettait pas d’avancer au rythme voulu ; une femme de 55 ans, qui portait des chaussures de ville au lieu de tennis, souffrait d’une rage de dents ; l’un de ceux qui portaient des bottes avait des ampoules. Le groupe n’avançait pas au même rythme, certains restaient en arrière et c’était dangereux car, à cause d’un seul, nous pouvions tous nous faire prendre. Il fallait avancer au plus vite sans faire de bruit ni se plaindre.

La seule recommandation que nous donnait le gamin, notre coyote, car quelqu’un de 18 ans est encore un gamin, plus encore dans des circonstances aussi extrêmes, était que ceux qui sentaient qu’ils ne pouvaient pas suivre, se cachent entre les cactus et attendent le lever du jour pour être secourus et que le reste du groupe allions continuer. Il n’avait aucune idée de comment gérer la situation. Moi j’avais 23 ans, j’étais aussi une gamine, mais, à ce moment-là, mon instinct de sauvageonne et, je crois, le désir de survivre m’ont poussée à parler au groupe : boire deux gorgées d’eau, pas plus, faire des étirements pour oxygéner les muscles, les tendons, les ligaments et les articulations afin d’éviter les crampes et la fatigue musculaire, bien que dans un tel enfer ce soit une plaisanterie, mais il fallait que je tente quelque chose pour maintenir, un tant soit peu, la cohésion du groupe.

Apprendre à respirer correctement, en inspirant par le nez et expirant par la bouche, essayer de garder l’air dans les poumons le plus longtemps possible ; si le rythme cardiaque rendait l’opération impossible, changer de rythme, inspirer deux fois et expirer deux fois de suite pour donner au cœur le temps de récupérer – ce sont les techniques qu’on utilise en athlétisme.

La majorité des gens s’étaient mis à pleurer et étaient sur le point d’abandonner, entre gémissements et questions ; la peur commençait à faire des siennes et ils croyaient être déjà morts, marchant à la recherche de leurs propres tombes. Je me souvins de mes années d’enfance en pleine montagne, ma glacière pleine de glaces à l’épaule, fatiguée, sous un soleil de plomb, essayant de les vendre dans d’autres villages. Les douleurs dans le bas du dos me rappelèrent les années où je travaillais dans une grande propriété, du lever au coucher du soleil, à ramasser des fraises exportées ensuite aux États-Unis. Non, le désert n’aurait pas ma vie. J’ai toujours cru au pouvoir apaisant des étreintes : je serrai chaque personne dans mes bras et leur dis que nous allions tous vivre ou tous mourir mais qu’ensemble nous irions jusqu’au bout. Mes paroles leur redonnèrent la confiance et le courage de continuer et c’est ce que nous fîmes.

Nous recommençâmes à trotter et le coyote s’éloigna peu à peu du groupe. Comme j’avais une bonne résistance physique et l’expérience d’expéditions « en rase campagne », j’ai fait la liaison entre le groupe et lui afin qu’il ne s’en sépare pas complètement et ne nous abandonne pas. Je le rejoignais et je revenais ensuite vers le groupe qui était à une cinquantaine de mètres derrière. Nous étions à une dizaine de kilomètres de la frontière quand une de nos camarades poussa un cri qui nous arrêta tous, elle s’était tordu une cheville et était incapable de continuer.

Je me précipitai pour l’ausculter tandis que les autres se cachaient dans les broussailles, pas plus de deux à chaque endroit, car les capteurs placés dans le désert par la Patrouille frontalière détectent les masses importantes, car le désert est le lieu idéal pour faire transiter de la drogue. Comme je le craignais, la fille avait une foulure au second degré et en quelques secondes hématomes et inflammation ont commencé à se former au niveau de la lésion. Nous avions besoin de glace et d’antiinflammatoires, d’une botte ou d’une planchette, mais n’avions rien de tout cela à notre portée. Elle criait de douleur. Je quittai aussitôt mon pull et lui dit de le mordre, sorti la bande de mon sac et l’onguent pour les lésions qui lui donnerait une sensation de froid et de chaud et la soulagerait un peu. Un camarade avait des comprimés pour les maux de tête et elle les prit aussi. Nous avons essayé de la relever mais la lésion était sévère et il lui était impossible de marcher.

Le coyote lui dit que nous ne pouvions pas nous arrêter pour elle et qu’elle devait comprendre qu’il n’allait pas mettre en danger le reste du groupe pour une personne, que la solution était qu’elle reste là, à attendre que des cuatreros ou la Patrouille frontalière la trouve. Les cuatreros ne manqueraient pas de la violer et la laisseraient en vie, la Patrouille frontalière allait la violer puis l’emmener dans un centre de rétention. Il lui a dit de prier pour que ce soit la Patrouille frontalière qui la découvre en premier.

La fille avait 25 ans, elle était robuste, de taille moyenne, un peu plus grande que moi. Quand elle entendit les mots du coyote elle se mit à pleurer plus fort. Le reste du groupe exigeait que nous avancions parce que la migra pouvait nous découvrir. Sa lésion a révélé la véritable nature de ceux qui formaient ce groupe, tous votèrent pour qu’on l’abandonne, sauf l’homme qui lui avait donné des cachets et moi. Lui qui, dès le début du parcours, avait sorti sa Bible et la tenait dans une main commença à prier pour elle et, à tous les deux, nous l’aidâmes à se mettre debout, chacun lui tenant un bras, nous la soutinrent entre nous pour qu’elle n’ait pas à poser le pied blessé par terre. Mais l’homme était maigre et plus petit que nous deux, si bien qu’elle dût surtout s’appuyer sur moi.

Nous ne pouvions plus courir ni trotter, nous avancions lentement, à une centaine de mètres derrière le groupe qui avançait avec le coyote. Il était alors une heure du matin et le jour allait bientôt se lever ; nous devions arriver au point de rencontre avant le lever du soleil pour ne pas être exposés à la lumière du jour et plus visibles par les hélicoptères, les petits avions et les policiers au sol.

À quelques mètres de nous, d’autres groupes avançaient aussi qui se dirigeaient vers Douglas, Arizona – c’était une procession de morts en sursis. Nous marchions dans le silence le plus total quand, tout à coup, les phares des motos et des pick-up de la Patrouille frontalière s’allumèrent, suivis des moteurs. Les feux nous surprirent et nous aveuglèrent quelques instants, nous désorientant totalement. Ils étaient à moins de cinquante mètres de distance. La chasse allait commencer.

Chapitre VII

S’ajoutant aux lumières, aux moteurs allumés des motos et des pick-up de la Patrouille frontalière, nous avons entendu une bordée de grossièretés en spanglish. Il est clair qu’ils nous attendaient, impatients de nous chasser comme des animaux. Il y eut certainement un changement d’équipe de garde sur la ligne frontalière mais, plus au nord, un autre groupe important de policiers, avec l’expérience de chasseurs aguerris, attendait leurs proies.

J’avais entendu dire, par mes camarades de route, que les véhicules dans lesquels ils transportaient les sans-papiers avaient la forme de fourgons pour chiens et j’ai pu le vérifier. Ce sont des pick-ups dont la partie arrière accueille une cage formée de barreaux et de grillages, dans laquelle on enferme au moins une trentaine de personnes.

Les bruits des moteurs provoquèrent immédiatement la dispersion du grand nombre de sans-papiers et nous courûmes dans toutes les directions, pour tenter de ne pas être attrapés. La Patrouille frontalière nous accueillit d’abord par des insultes puis se lança à notre poursuite en nous tirant dessus ; ils criaient et riaient dans leurs haut-parleurs, se moquant de notre condition de proies, nous accusaient d’être des contrebandiers et des assassins, de venir aux États-Unis pour voler le travail de ceux qui y résidaient légalement.

Ils nous disaient de retourner là d’où nous venions car nous n’étions pas les bienvenus dans leur pays ; ils criaient qu’ils pouvaient nous tuer s’ils le voulaient et que personne ne les poursuivrait en justice parce qu’ils ne faisaient que sauver le pays de ces ordures latino-américaines. « Tirez-vous ! Sortez du territoire des États-Unis ! Nous allons vous tuer bande de rats ! Vous passerez en prison le reste de votre vie pour être entrés sans papiers ! Voleurs ! Assassins ! Putes ! Vous les dos mouillés, vous venez mendier de quoi manger ? Qu’est-ce que vous voulez ? Dehors ! Dehors ! Dehors ! »

Tout le monde courait désespérément, poursuivi par une bande de policiers à motos ou dans des pick-up. Le temps semblait suspendu dans nos jambes fatiguées et nous avions beau courir, nous n’avancions pas. L’angoisse, l’obscurité et le désir de leur échapper créaient une panique qui était notre pire ennemi. Sans aucune idée de l’endroit où nous étions, nous courions dans toutes les directions, nous nous heurtions les uns aux autres. Nous n’étions pas encore assez loin de la ligne de démarcation pour que chaque groupe avance séparément.

Les balles pénétraient les dos, les visages, les cuisses et les personnes s’évanouissaient au milieu des cactus et des pierres qui, silencieuses, gardent les histoires de ce désert riche en paysages de cartes postales.

Tandis que certains policiers tiraient, d’autres baissaient la fermeture de leur pantalon et montraient leur sexe, en signe de moquerie et de provocation. Ils savaient qu’ils contrôlaient la situation parce qu’ils pouvaient compter sur les radars, les hélicoptères, les avions, les armes et les véhicules pour se déplacer. Nous n’avions nous que la fatigue et le désir fou de sortir vivants du désert.

Avec des battes de baseball, ils frappaient quiconque se trouvait sur leur chemin, lui attachaient les mains et les pieds, le couchaient sur le ventre, en attendant l’arrivée du fourgon pour chiens où l’enfermer. Ils laissaient les blessés par balle là où ils étaient tombés, sachant qu’ils agoniseraient lentement et que leurs corps sans vie seraient retrouvés par des groupes humanitaires qui pénètrent dans le désert de temps en temps à la recherche de survivants de la traversée, ou bien qu’ils seraient dévorés par les oiseaux de proie avant que leurs ossements rejoignent la terre désolée du désert qui veille en silence sur les morts anonymes.

Nous courûmes sans nous retourner, nous précipitant sans réfléchir sur les cactus et les broussailles ; les piquants, tels des dards, pénétraient dans notre peau à une telle rapidité que la douleur faisait battre nos cœurs affolés. Nous ne pouvions pas être plus d’un par cactus car ils étaient rachitiques et nous laissaient totalement à découvert. J’ai laissé la fille qui s’était foulé la cheville cachée dans des broussailles et cherché un nopal [2] pour me cacher. Je ne pouvais pas courir parce que les balles fusaient dans toutes les directions. Alors j’ai fait comme dans mon enfance quand nous franchissions la clôture de la María del Tomatal : couchée par terre, à plat ventre, j’ai rampé, en m’aidant des pieds et des coudes, sans lever la tête même pour situer le nopal.

Nous attendîmes que la police s’éloigne de la zone de combat pour bouger et sortir du secteur où nous étions cernés, tandis que nous observions la façon dont ils frappaient sans distinction hommes, femmes, enfants ; ils abusèrent sexuellement de deux adolescentes. Ils les obligèrent à enlacer un cactus, déchirèrent leurs vêtements, leur écartèrent les jambes à coups de bottes et les violèrent par-derrière. Leurs cris étaient désespérants et nous vrillaient les tympans. Quand ils en eurent fini, ils leur tirèrent une balle dans la tempe, enfourchèrent leurs motos et s’en allèrent. Encore deux vies perdues dans le désert de l’Arizona. Le son de ces deux balles m’a réveillé pendant des années, à une heure du matin exactement. Il résonnait dans mes cauchemars de la traversée, à l’heure où ils les tuèrent. Nous n’avons rien pu faire. Nous étions entourés de policiers et le moindre mouvement faisait craquer les branches sèches des broussailles.

Dans un effort pour différer la mort, le silence nous paralysait.

La bande de policiers s’éloigna ensuite de l’endroit où se trouvait mon groupe et nous en avons profité pour avancer ; nous traînant entre nopals, pierres et broussailles, nous réussîmes à nous éloigner de cet endroit. Le son des battes de baseball frappant les corps des sans-papiers, les cris de détresse implorant la pitié firent voler en éclat le silence du désert et marquèrent les survivants de traces indélébiles. Dans mon cas, cela m’a rendue asociale et je m’enfermai à quadruple tours sans que personne n’ose même frapper à la porte de ma mansarde.

Quand nous parvînmes à nous éloigner de quelque cinq cents mètres de l’endroit, nous pensâmes que le cauchemar était terminé, mais il ne faisait que commencer.

Chapitre VIII

La lumière de la lune nous mettait à découvert et nous ne pouvions plus avancer sur le chemin libre de broussailles ; aussi avons-nous dû marcher entre les cactus et les broussailles qui nous plantaient leurs épines dans la peau. J’avais un passe-montagne et des gants, ce qui limitait la quantité de piquants qui pénétraient ma peau, la plupart restant plantés dans mon bonnet et mes gants. Quant aux autres, le sang coulait lentement de leurs blessures causées par les contacts avec les grandes épines des cactus adultes.

Nous réussîmes à nous réunir à l’ombre d’un cactus entouré de broussailles. Arrivés là, nous nous jetâmes à terre et nous nous comptèrent pour nous assurer que tous ceux du groupe étaient là. À quelques mètres de distance on voyait avancer les membres d’autres groupes.

Notre principale préoccupation était de nous éloigner le plus possible de la ligne frontalière et que, au lever du jour, nous soyons loin de la zone de tir. Le sifflement des balles, frôlant les branches des cactus, nous empêchait de raisonner avec lucidité et nous avons pris instinctivement la décision de nous éloigner, quitte à abandonner le chemin connu du coyote. C’est ainsi que nous avons commencé à nous perdre dans ce cimetière sans tombes où les croix et les épitaphes relèvent du mythe.

Nous avions peut-être parcouru trois kilomètres quand nous fûmes victimes d’une nouvelle embuscade de la police migratoire et, cette fois-là, les motos étaient plus nombreuses. J’ai vu de près les fourgons pour chiens et les hélicoptères qui surgirent en quelques minutes avec leurs projecteurs et leurs haut-parleurs. Notre groupe faisait partie des quelques poignées de personnes qui essayaient à tout prix de s’échapper ; nous n’étions pas les seuls et la sortie du désert par la ville de l’Arizona la plus proche était à l’infini.

Cette fois, ce n’était pas seulement la Patrouille frontalière qui nous a encercla, il y avait aussi des hommes en civil, munis d’armes de francs-tireurs, qui tiraient à droite et à gauche, fêtant leur nuit de chasse. Six personnes d’un autre groupe se réfugièrent derrière le cactus où je me cachais et, bien que je leur disse de se coucher à terre, elles restèrent accroupies parce que, dirent-elles, elles ne voulaient pas avoir à nouveau le corps plein d’épines. Je leur demandai trois fois la même chose et décidai finalement de m’éloigner d’elles. Quand je commençai à ramper, elles me dirent : « ne sois pas stupide, reste ici » mais ma stupidité est ma seule boussole. Entre piquants et branches sèches de cactus, les épines traversaient le tissu imperméable de mon jogging et je les sentis déchirer ma peau comme des aiguilles. Quelques minutes plus tard, des balles perdues ont atteint l’une des personnes du groupe que je venais de quitter au visage et traversé la poitrine d’un autre. Alertés par les cris de douleur, des hommes en civil arrivèrent immédiatement et achevèrent les six personnes. Ils sortirent de leurs quatre-quatre des meutes de chiens qui commencèrent à dévorer les corps. Je m’étais éloignée suffisamment et j’étais cachée dans un fossé recouvert de taillis.

Il n’y a en fait personne qui se dresse pour accuser la Patrouille frontalière de ce qui est attesté par les témoignages des centaines de migrants : les protocoles d’arrestation des sans-papiers ne sont absolument pas respectés, pas plus que leurs droits humains. Dans les Cours fédérales, les hommes de la Patrouille se défendent en disant que ce sont les sans-papiers qui ont ouvert le feu en premier, que ce sont tous, sans le bénéfice du doute, des délinquants qui cherchent à les tuer. La parole d’un sans-papiers n’a aucune valeur.

Nous attendîmes une quarantaine de minutes jusqu’à ce qu’ils s’en aillent. Ils emmenaient avec eux des douzaines de sans-papiers et on entendait les rires de ceux qui se réjouissaient d’une aussi bonne partie de chasse.

Nous sortîmes lentement des broussailles. La fatigue et tout ce que nous venions de vivre commençaient à affecter notre moral ; les plaintes sont devenues plus audibles et plusieurs ont choisi d’abandonner et de se livrer aux autorités plutôt que de mourir de faim ou d’une balle dans la tempe. Le coyote perdit totalement le contrôle de la situation. C’était un gamin que la peur commençait à ronger. Ceux qui gardaient la tête froide, en fait seul l’homme à la Bible et moi, nous devions de réagir. Les autres étaient dans le plus complet désarroi.

Ces chocs émotionnels me touchent plusieurs jours après les événements. Je continue d’abord à fonctionner en mode automatique, la tête froide. Cela a pour effet que les personnes qui ne me connaissent pas beaucoup m’accusent d’être insensible car, tandis qu’elles s’effondrent, je garde le calme de quelqu’un qui contrôle tout. C’est plus tard que je m’effondre et tombe au fond de l’abîme. Ce trait de caractère m’a aidée à réfléchir à la manière de rester en vie le plus longtemps possible.

Ces chapitres de ma traversée du désert ne sont en aucune façon des récits de fiction, c’est ce que j’ai vécu ; il m’a fallu dix ans avant de pouvoir les écrire parce que, finalement, j’ai réussi à trouver la sérénité et à extraire le poison qui ne me laissait pas respirer. Il faut que ce qui se vit sur la frontière sorte de la plaie d’un souvenir amer que nous sommes des milliers à garder en mémoire. Qu’on ne vienne pas me dire : « Ce qu’elle a vécu, cette pauvre fille ! », qu’on me regarde plutôt en face et droit dans les yeux, ou mieux, qu’on s’écarte de mon chemin, car la pitié et la miséricorde ne sont pas dignes de personnes accomplies.

Cette série de récits est une partie de mes mémoires, mon journal de voyage consigne des chapitres de ma vie, égrène la catharsis d’une migrante sans papiers qui exerce le métier de bonne. Pas besoin d’atteindre la gloire, le succès, le triomphe aux yeux de la société qui applaudit celui qui est parvenu au sommet. Pour écrire des mémoires dans l’invisibilité, il faut seulement de l’audace et c’est ce que ne donne ni la gloire, ni le succès, ni ce qui semble être le triomphe. Cette audace est seulement le privilège que de ceux qui naissent avec de la chance, comme les bêtes de mon Comapa natal.

Nous nous éloignâmes le plus possible du vrai chemin et des groupes pour nous enfoncer dans le désert impraticable. À nouveau le silence envahit l’aube. Il nous était impossible de sortir de la zone où la Patrouille frontalière et les hommes en civil nous pistaient. L’homme à la Bible m’aidait à faire avancer la femme à la cheville blessée, tandis que le reste du groupe marchait tête baissée, soulagé et convaincu que nous nous étions débarrassés de la migra. Mon instinct de sauvageonne était en alerte et je prêtai attention au moindre bruit de la nature d’une nuit dans le désert. J’avais l’intuition que la migra nous préparait une nouvelle embuscade. La lueur de la lune me permettait de voir des collines dans le lointain et je convins avec l’homme à la Bible que ce serait notre route de secours et qu’il fallait arriver jusqu’à elles si les circonstances s’aggravaient, idée que nous avions gardé secrète, la femme blessée, lui et moi, et que nous ne mettrions en pratique si c’était nécessaire. Il y avait des collines dans le désert et, je l’ai constaté plus tard, des ravins également.

Nous nous reposâmes cinq minutes dans une ravine à sec en forme de fossé, qui nous dissimulait parfaitement si nous restions assis ; nous n’avions plus qu’un galon d’eau car les autres avaient été abandonnés dans la course. J’avais avec moi deux litres de sérum, la pomme et le biscuit. Je refis le bandage à la cheville de la blessée et nous continuâmes à avancer. Le coyote était complètement désorienté, il n’avait pas la moindre idée de l’endroit où nous nous trouvions, si nous avancions vers la route la plus proche ou si nous retournions vers Sonora. Si lui était perdu, nous l’étions encore davantage.

Nous nous étions éloignés depuis une heure de la ravine quand survint la nouvelle embuscade que j’avais flairée ; à nouveau ma stupidité nous sauva la vie. Un grand nombre de motos, d’hommes en civil à cheval, de pick-ups avec leurs cages à chiens, avait intercepté le groupe qui était à peine à trois cents mètres devant nous. Nous avons entendu à nouveau les tirs et les cris de ceux qui imploraient leur pitié. Nous commençâmes à courir de nouveau, nous heurtant aux branches de cactus qui nous frappaient le visage et enfonçaient leurs piquants comme des aiguilles dans nos yeux, nos lèvres… Je les sentais me brûler le visage couvert par le passe-montagne.

En quelques instants, les hommes nous encerclèrent et je demandai au groupe de sauter dans le ravin qui était à cinquante mètres de distance. Personne ne voulait le faire mais j’insistais, courant entre les rafales de balles et les hommes à cheval qui nous poursuivaient et étaient sur le point de nous attraper. Je criai à mes camarades qu’il valait mille fois mieux mourir dans un ravin que de nous laisser prendre car nous savions déjà ce qui nous attendait. L’homme à la Bible, la femme blessée et moi sautâmes en chute libre dans la profondeur du ravin et les autres nous suivirent ; nous commençâmes à rouler dans la pente, nos corps se heurtaient aux cactus, aux branches sèches, aux pierres et aux corps d’autres migrants en cours de décomposition.

Nous parvînmes au fond du ravin mais, en tentant de bouger, je me rendis compte que mon genou droit était blessé.

D’en haut les policiers et les hommes en civils nous tiraient dessus ; nous nous abritâmes entre les pierres jusqu’à ce qu’ils nous croient morts. Ils ne blessèrent aucun membre du groupe. Malgré le froid glacial du désert nous transpirions à grosses gouttes. Je ne pris pas le temps de penser à mon genou à ce moment-là car l’urgence était de remonter et d’avancer avant que le jour se lève et qu’ils s’aperçoivent que nous étions vivants. Ce n’était pas le moment de se plaindre des épines qui nous entraient dans la peau des mains. Soit nous grimpions tant bien que mal, soit nous nous laissions tuer à l’aube. Nous décidâmes de monter et de garder l’espoir de survivre à la frontière. La dernière embuscade nous attendait.

Les chapitres suivants sont publiés dans les numéros de février 2016 (chapitres IX-XII).


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3354.
 Traduction de Françoise Couëdel pour Dial.
 Source (espagnol) : Ilka Oliva Corado, Historia de una indocumentada : Travesía en el desierto de Sonora-Arizona, Create Space, 2014, 100 p. (chapitres V-VIII). Traduction autorisée par l’autrice.

En cas de reproduction, mentionner au moins l’autrice, la traductrice, la source française (Dial - www.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.

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[1Chanteur vénéré au Mexique, créateur d’un immense répertoire populaire – NdT.

[2Autre nom du figuier de Barbarie – note DIAL.

Messages

  • Ce documentaire exceptionnel révèle non seulement une femme d’un courage peu commun, mais aussi un véritable écrivain . Elle a été capable de traduire avec une force et une vérité frappantes, les épreuves inhumaines infligées aux migrants ne cherchant qu’une vie moins misérable. La cruauté et l’égoïsme des états sont sans limites...La France, supposée pays des Droits de l’Homme, ne se distingue hélas pas. Il n’est que de constater la situation des malheureux entassés dans la "jungle" de Calais après avoir fuit les horreurs de la guerre, et échappé par miracle à la noyade en Méditerranée. Avocat honoraire, j’ai plaidé pendant des années pour des demandeurs d’asile, les années passent, mais je crains que l’ouverture, le partage, la solidarité ne soient encore que lointaines lumières...BAP

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