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GUATEMALA - Les multinationales emprisonnent les eaux et les hommes

Gustavo Duch Guillot

lundi 5 mars 2018, mis en ligne par Françoise Couëdel

Samedi 3 février 2018.

À sa naissance il était libre. Il parcourait les 195 kilomètres d’un cours sinueux, de l’altiplano central du Guatemala jusqu’à la mer. Mais, depuis 2012, il est enfermé, domestiqué. Trente kilomètres du cours du fleuve Cahabón sont emprisonnés dans un canal qui perturbe sa vie et celle du territoire qu’il arrosait. Bernardo Caal, le maître d’école, est lui aussi prisonnier depuis des semaines pour avoir dirigé la lutte contre ce délit environnemental qui affecte directement quelques 30 000 personnes du peuple q’eqchi. « Je suis un prisonnier politique qui se retrouve dans cette situation parce que j’ai dénoncé le séquestre des fleuves, parce que j’ai déclaré qu’on est en train de les tuer, parce que j’ai dénoncé le pillage du territoire du peuple q’eqchi », a déclaré Bernardo au moment de sa détention.

Comme l’explique Greenpeace, dans un rapport récent, le cas de la canalisation du fleuve Cahabón en vue de projets hydroélectriques – dont l’électricité fournie est exportée vers d’autres pays – est un exemple clair du type de spoliations qui ont eu lieu, au cours des dernières années, dans le but de continuer l’avancée colonisatrice, une histoire qui dure depuis plus de 500 ans. S’il fut un temps où le vol des métaux précieux et des fruits se faisait à la force des armes ou en faisant miroiter aux hommes des bimbeloteries, de nos jours, le cheval de Troie des multinationales étrangères est l’impunité qui leur permet d’accéder aux richesses et de les extraire des espaces vierges naturels.

Dans le cas du projet de canalisation du fleuve Cahabón et de la construction de barrages, l’entreprise guatémaltèque Corporation multinationale investissements (CMI) n’a pas respecté les traités signés par le Guatemala avec les peuples indiens qui exige de procéder à des consultations. Elle n’a pas fait procéder non plus à une évaluation des impacts environnementaux. L’entreprise qui réalise une bonne partie de ces travaux est l’entreprise espagnole Cobra qui, lorsque elle est interrogée sur ses responsabilités, se justifie en disant qu’elle n’est qu’un simple sous-traitant, que les responsabilités incombent à CMI.

Une hypocrisie qui rapporte d’énormes profits : les multinationales étrangères, comme Cobra, s’enrichissent mais ne paient pas d’impôts ; elles n’indemnisent pas les victimes des retombées négatives de leurs projets, elles peuvent même poursuivre les États si ceux-ci prennent des décisions qui affectent directement leurs intérêts. Ajoutons à ces mécanismes, le plus macabre de tous, la persécution croissante des leaders, comme Bernardo, Berta Cáceres [1] et bien d’autres, qui risquent leur vie pour défendre, face aux intérêts économiques des grandes multinationales, les fleuves qui sont la vie de leurs communautés.

L’entreprise Cobra est l’une des principales filiales du secteur de la construction du Groupe ACS (Activités de construction et services). ACS est l’une des plus grandes entreprises de l’État espagnol. Son conseiller délégué est Florentino Pérez, dont on estime que le patrimoine s’élève à presque 2 milliards d’euros.

Espérons – comme me l’a dit un jour Luz María Abreu, une amie dominicaine – qu’advienne le jour où les fleuves retrouveront leurs cours. Que la vie soit à nouveau un fleuve tranquille.

Vous pouvez signer la pétition qui demande la libération immédiate de Bernardo :

https://www.alianzaporlasolidaridad.org/noticias/pidele-al-estado-de-guatemala-que-deje-en-libertad-inmediata-bernardo-caal


Gustavo Duch Guillot est l’auteur de Alimentos bajo sospecha [Aliments sous soupçons] et coordinateur de la revue Soberanía Alimentaria, Biodiversidad y Culturas [Souveraineté alimentaire, biodiversité et cultures].

http://gustavoduch.wordpress.com/

Source (espagnol) : https://www.alainet.org/es/articulo/191349

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[1Fondatrice du Conseil citoyen des organisations des peuples amérindiens du Honduras, Berta Cáceres a été assassinée en mars 2016 après avoir subi de multiples menaces.

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