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DIAL 2640

GUATEMALA - Les femmes de la campagne mènent la lutte pour la terre et l’autodétermination

jeudi 1er mai 2003, mis en ligne par Dial

Le rôle des femmes paysannes pour la transmission des modes de vie traditionnels, la conservation de l’environnement, le travail coopératif est considérable. Leurs droits, notamment le droit à la terre, n’en continuent pas moins à être gravement négligés. Textes paru dans Noticias Aliadas, 12 mars et 7 avril 2003.


Les femmes de Méso-Amérique assument un rôle important dans la défense de la biodiversité, de la sécurité alimentaire et dans la protection des terres et des cultures indigènes. Pourtant, au Guatemala, leur lutte a débuté bien avant que le Plan Puebla-Panama [1], la Zone de libre-échange des Amériques [2] et autres projets de développement régional aient sonné l’alarme sur les effets de tels projets sur l’environnement, les modes de vie traditionnels et la viabilité générale.

La conscience et l’action des femmes sur ces sujets ont en grande partie pour origine le déplacement et la désintégration familiale qui ont affecté beaucoup de femmes guatémaltèques - en majorité des paysannes indigènes de la campagne - résultat de 36 ans de guerre civile dans le pays. Dans les camps de réfugiés du sud du Mexique, qui comptaient plus de 40 000 Guatémaltèques, les femmes commencèrent à s’organiser pour s’assurer que leurs droits seraient pris en considération dans les négociations sur leur retour au Guatemala.

En 1992, les Accords du 8 octobre établirent les conditions dans lesquelles le gouvernement guatémaltèque aiderait les réfugiés à retourner sur leurs terres ou à en obtenir pour ceux qui n’en possédaient pas. La pression des instances internationales d’aide et les organisations féminines de réfugiés comme Mamá Maquín fit admettre que la copropriété de la terre serait une des demandes adressées au gouvernement par les Commissions permanentes de représentants de réfugiés guatémaltèques au Mexique (CCPP).

La copropriété de la terre fut éventuellement assurée aux femmes qui avaient encore leur époux dans les Accords de paix de 1996 par la loi qui régit le Fonds des terres de l’État. Cette loi demande de favoriser l’accès des femmes de la campagne au crédit et de leur permettre d’acheter de la terre, grâce à quoi elles augmentent la productivité agricole. Malgré tout, d’après les analyses menées par Claudia Gaítan Arana et Viola Bölscher, toutes deux spécialistes des problèmes de la terre au Guatemala, « la vision d’ensemble de la condition féminine ne s’est pas concrétisée au niveau institutionnel ».

Arana et Bölscher montrent qu’il n’y a ni politiques ni programmes pour donner corps à la loi. Elles soulignent aussi que les politiques gouvernementales concernant la terre et la condition féminine manquent généralement d’une vision cohérente fondée sur une analyse des causes de subordination des femmes dans toutes les composantes de la vie paysanne, analyse qui devrait inclure la participation politique locale, l’accès à l’assistance technique et la dynamique familiale.

Deux autres obstacles ont bridé l’accès des femmes à la terre au Guatemala : le code du travail et la législation sur les coopératives agricoles, tous deux obsolètes, qui rendent difficile la participation des femmes. Le code du travail ne traite pas des droits des agricultrices, car il considère leur travail comme « complémentaire » de celui du mari. Au plan des coopératives, il est pratiquement impossible à la majorité des femmes de devenir membres à titre individuel car les statuts des coopératives exigent que chaque membre apporte la même contribution, tant financière qu’en termes de travail.

María Guadalupe García Hernández, de la Commission de négociation pour l’accès à la copropriété et la participation équitable des femmes, qui réunit des paysannes, a expliqué que beaucoup de veuves et de mères célibataires considèrent que leur situation économique et sociale les empêche de participer aux coopératives. Même pour les femmes mariées, devenir membres signifie pour elles partager leur temps entre devoirs traditionnels -familiaux, communautaires - et participation à la coopérative. La Commission de négociations a entrepris des tractations avec l’Institut national des coopératives (INACOP) afin de faire venir au jour ces questions.

Travailler la terre en commun était déjà une valeur maya traditionnelle, mais elle est devenue une nécessité pratique pour les femmes déplacées par la guerre civile, particulièrement pour celles qui ont perdu mari et famille du fait des Forces armées ou des paramilitaires. Maintenant les paysannes organisées craignent que les politiques de développement, nationales et internationales, avec leur vision néolibérale basée sur l’économie de marché, n’érodent encore davantage les valeurs et les styles de vie communautaires.

Les organisations de paysannes reconnaissent la nécessité de présenter leur propre position sur le développement, mais elles se rendent bien compte que cela ne pourra arriver sans que d’abord ne prennent conscience de cette problématique les paysannes elles-mêmes, dont la majorité n’a pas accès, ou si peu, à l’éducation. Dans ce but, la Commission de négociations mène à bien une série de forums communautaires régionaux destinés aux femmes des campagnes, avec la participation de leaders clés dans les domaines de la santé, de l’éducation, du développement et de la politique au niveau local et national.

García a montré les nombreux obstacles à la prise de conscience de cette problématique chez les femmes des campagnes, obstacles nés de siècles de discrimination et auxquels elles sont toujours confrontées aujourd’hui. « Le processus est lent, a dit García. Par exemple, quand nous avons un atelier, nous devons toutes emmener nos enfants avec nous. Qui emmène des enfants dans un atelier pour hommes ? »


Femmes indigènes dans l’oubli

Les femmes indigènes sont soumises à une triple oppression : celles d’être femmes, indigènes et pauvres. Cette situation limite leur développement et celui de milliers de familles dans le pays, d’après le premier rapport sur la situation et les droits des femmes mayas au Guatemala.

Les attitudes hostiles aux femmes mayas perdurent, malgré le rôle essentiel qu’elles jouent dans leur communauté, non seulement pour l’existence de celle-ci, mais aussi pour la continuité de sa culture. Selon le rapport présenté par le Bureau de défense de la femme indigène, la majorité vit au dessous du seuil de pauvreté. La situation est aggravée par l’oppression et les pratiques de discrimination qui existent dans le pays depuis plusieurs siècles. Pendant des années, les problèmes de la majorité des femmes sont restés “invisibles”, parce que l’on ne possède pas de documents fiables fournissant des renseignements sur la réalité qu’elles vivent (…)

D’après cette étude, ce sont elles qui sont confrontées aux plus graves problèmes, en comparaison de la population. Elles n’ont pas accès aux services de base, comme la santé et l’éducation, le système de justice et la participation politique. … (Le) rapport met en évidence les conditions précaires de vie de la population indigène, qu’il s’agisse des services sanitaires, de l’électricité, de l’approvisionnement en eau, des transports et des voies d’accès. Tout cela reflète leur exclusion, car la carence de ces services crée des problèmes de santé et la prolifération de maladies.

« Ces carences entraînent une usure physique et une réduction du temps que les femmes pourraient consacrer à un autre type d’activités : productives, sociales, culturelles, politiques et récréatives, qui permettraient leur développement intégral », lit-on dans le document.

Il établit aussi que les femmes sont uniquement considérées comme des reproductrices et des chargées de soin pour la famille, au détriment de leur propre santé. Il signale en outre que le racisme et le machisme institutionnalisés constituent des limites pour accéder à l’éducation, la justice, la terre et une meilleurs qualité de vie. « La plupart méconnaissent leurs droits et, par crainte, taisent les situations de violence dont elles sont victimes », constate le rapport.


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2640.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : Noticias Aliadas, mars et avril 2003.

En cas de reproduction, mentionner la source francaise (Dial) et l’adresse internet de l’article.

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[1Cf. DIAL D 2625, 2561, 2505.

[2Cf. DIAL D 2601, 2568.

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